"Aux vestiaires je leur pourris la vie"
Il était présent, avec eux, sur le podium. Son nom inscrit sur des bouts de tissus tenus par Tanguy Ramassamy et Alexis Tanghe. "Pour Jonathan Bourhis". Leur pote, avec qui ils avaient disputé l’Euro U18 puis le Mondial U19, à Auckland, en Nouvelle-Zélande en juillet 2009. Cinq mois plus tard, le meneur de Dijon, 19 ans, mourrait dans un accident de voiture, au retour d’une rencontre où le meilleur marqueur et passeur du championnat espoirs avait passé 13 minutes sur le parquet de Toulon avec les pros. Un drame qui avait profondément marqué le basket français, la JDA et ses coéquipiers en sélection. "La perte de Jonathan a complétement soudé le groupe dans les moments difficiles", remarque Jean-Aimé Toupane, leur entraîneur chez les U20.
La génération 90 n’est en effet pas attendue. Elle n’a jamais connu les joies d’une médaille dans les autres catégories et ne brille pas par sa force de frappe offensive. Elle défend en revanche le plomb et lors des premières rencontres, parvient à passer entre les gouttes. Mais lors de la deuxième phase de poule, la Croatie remet violemment les Bleuets face à leurs limites (40-65) puis l’Espagne les laisse à la troisième place (66-69) avant les quarts de finale. En six matches, la France n’a tourné qu’à 57,2 points de moyenne. "En préparation on avait fait un quart-temps à 4-4, donc ce n’était pas une surprise", sourit Toupane. "Mais on ne lâchait jamais."
Les surprenants ukrainiens se présentent sur la route des Tricolores. Ils explosent en seulement dix minutes (31-12) et subissent un spectaculaire bombardement extérieur (16/32 à trois-points) qu’ils n’avaient certainement pas prévu. Les retrouvailles avec l’Espagne ont lieu en demi-finale. Et un joueur va toucher au sublime. Paul Lacombe perd tout sens commun pendant de longues minutes, enchaîne tirs de loin et attaques du panier pour terminer à 23 points et porter la France en finale. "Il nous avait tenus, il nous avait portés. Il a été extraordinaire", souligne Jean-Aimé Toupane, qui va cependant rapidement calmer les ardeurs de ses troupes. "Aujourd’hui certains m’en reparlent encore. Je voyais tout le monde courir dans tous les sens. Ils se comportaient comme si c’était fini. Alors quand je rentre dans les vestiaires, je leur pourris la vie."
Une remise en place qui puise sa source dans la frustration ressentie par le coach un an plus tôt à Rethymnon, en Grèce. A la tête d’une équipe talentueuse (Antoine Diot, Edwin Jackson, Thomas Heurtel, Kevin Séraphin), il avait dû baisser pavillon face à la Grèce. Des Grecs de nouveau présents en finale, invaincus et dominateurs depuis le début de l’Euro, dans le sillage des futurs joueurs d’Euroleague Kostas Sloukas, Kostas Papanikoalou et Nikos Pappas. Ce dernier, meilleur marqueur de la compétition est intenable mais les U20 vont se trouver un improbable stoppeur. "Le petit Henry Kahudi est allé voir mon assistant Laurent Vila et lui a dit : Pappas j’en fait mon affaire. Laurent lui a répondu, tu n’as qu’à le dire au coach. Il est venu : Aimé, Pappas, j’en fais mon affaire." Alors qu’il ne joue que 6 minutes en moyenne le meneur du Mans ralentit le serial scoreur et la Grèce termine la première mi-temps K.-O. (41-22). Malgré un come-back inspiré, elle ne recollera jamais, maintenue à distance par la vista d’Andrew Albicy (20 pts, 5 rbds, 4 pds), élu MVP de l’Euro.
La France, qui a déjoué tous les pronostics, inscrit pour la première fois son nom au palmarès de la catégorie. Avec un supplément d’âme et une approche collective irréprochable : "Cette victoire c’est le résultat de la volonté de comprendre que ce qu’on sait faire de mieux et de le mettre au service de l’équipe."