Une femme de l'ombre
"Avoir grandi dans un collectif familial aimant et ouvert m’a préparée à l’aventure du CUC, à ma bonne intégration au sein de l’équipe, en affirmant une personnalité que Monsieur Jaunay et mes coéquipières se sont chargés d’en gommer quelques aspérités… J’y ai également acquis une aptitude à la résilience ! Le fait de faire, parallèlement, des études m’a apporté une ouverture sur un autre monde… Enfin, vous l’aurez compris, la femme que je suis devenue doit beaucoup à ces rencontres d’un autre temps. Sans nostalgie aucune, je dédié ce trophée aux joueuses et joueurs de l’ombre." C’est avec beaucoup d’émotions et par ces mots que Dominique Leray a accueilli son entrée à l’Académie du Basket en octobre dernier sur la scène du Puy du Fou.
Alors quand on lui demande : qu’avez-vous ressenti ?
C’était inattendu car je mon considère plutôt comme une joueuse de l’ombre construite dans le collectif dès le plus jeune âge. Il y a des joueuses qui méritaient, et qui étaient certainement plus reconnues que je ne l’étais.
Pensez-vous avoir désormais un rôle de « transmission » ?
La transmission c’est quelque chose qui est pour moi très importante. Je n’ai pas eu d’enfant, j’ai pu transmettre professionnellement à des jeunes en formation mais suite à cette distinction je souhaite à travers des objets ou des documents, transmettre mon histoire au Musée du Basket. La première chose que j’ai donné, c’est une plaquette de « 5 fautes » qui m’avait été offerte et dédicacée par mes coéquipières quand on s’est qualifiée pour la première fois pour la Coupe d’Europe. Ça m’a aussi donné envie de partager tout ce que j’avais comme souvenirs, photos de cette carrière sportive. J’ai commencé à mettre de l’ordre dans mes papiers pour voir ce qui pouvait être donné au Musée pour faire comprendre et faire connaitre notre période du CUC et de l’Equipe de France.
Au-delà des objets, que vous reste-t-il aujourd’hui de cette époque ?
Ce qui nous reste aujourd’hui, c’est cette amitié entre l’ensemble des joueuses de cette époque. Le CUC et l’Equipe de France c’étaient concomitant, il y avait pratiquement les mêmes joueuses. C’était quelque chose qui coulait de source. C’était une façon d’assumer ce qu’on était d’être là aussi pour les autres.
Quelles sont les joueuses qui vous ont marquée ?
Jackie (Chazalon) et Irène (Guidoti) qui étaient un peu les feux follets de l’équipe. Ensuite il y’a Elisabeth (Riffiod) qui est arrivée en 1973 et avec qui nous avons lié des affinités. D’ailleurs, lors de notre catastrophe pour les Jeux de Montréal (tournoi de qualification perdu) nous sommes toutes les deux restées à Montréal pour assister aux Jeux Olympiques, l’occasion de se découvrir autrement.
Comment avez-vous appréhendé votre fin de carrière sportive ?
Tout au long de ma carrière, j’ai voulu poursuivre mes études pour avoir mon indépendance. Ça été des études chaotiques, par exemple pour le bac on était au Brésil pour le Championnat du Monde. J’étais en Sciences Eco, j’ai dû faire un bac littérature pour être sûre. J’ai fait un trimestre en première et un trimestre en terminal pour le passer avec les enfants malades. Ensuite, ça été la même chose pour la fac, où à chaque fois, il fallait que j’étale cela dans le temps. Donc je me suis efforcée jusqu’à l’âge de 42 ans, où j’ai passé le concours du CELSA pour faire un DESS Technique de Communication en entreprise, que j’ai eu, pour pouvoir travailler et avoir mon indépendance. Monsieur Jaunay a négocié à l’époque avec le Ministère des Sports pour m’accueillir pour les olympiades de Montréal puis de Moscou. J’ai eu la chance de pouvoir continuer mes études tout en étant contractuelle au Ministère parce que je n’avais pas pu finir ni ma licence, ni ma maitrise.
Il était important pour vous de pouvoir lier les deux ?
Mon souci a toujours été de construire ma vie en dehors du basket tout en gardant les amitiés que j’avais construites pendant la période basket. J’ai ensuite eu ma vie de femme lorsque j’ai rencontré mon compagnon qui a eu l’intelligence de me faire découvrir de nouvelles choses pour que l’on puisse avoir une vie différente. C’est seulement dans les années 2000 que je suis revenue au basket pour retrouver « mes amies » plus fréquemment parce que c’est aussi dans la continuité. Mais pour être honnête, je n’allais au match de l’Equipe de France féminine ou masculine que si mes copines venaient. C’était le plaisir de voir ensemble avec elles un basket que je ne connaissais pas.
Vous vous êtes donc éloignée assez naturellement du Basket ?
J’ai pris la responsabilité de la communication du Ministère Jeunesse et Sports pendant de nombreuses années. J’étais resté dans le sport, mais c’était une autre vision. Un peu plus loin du terrain, mais j’ai aussi découvert beaucoup de choses. J’ai par exemple participé aux Jeux d’Atlanta en 1996 avec Guy Rut. Guy Rut que l’on connaissait et que l’on avait vu pour sa médaille en 1976 à Montréal.
Quels conseils vous souhaiteriez aujourd’hui donner à une jeune fille qui débute dans le basket ?
Je ne vais pas parler technique, mais dans la construction de la personne, le fait de se construire dans une équipe avec des règles, des échéances et y vivre des moments magnifiques. C’est une façon de construire sa personnalité et de vivre sa vie. Grâce à tout ça je suis devenue quelqu’un de très résiliant j’ai pu faire face à des évènements et je continue à faire face avec beaucoup de résilience. Le sport collectif est plus propice à cette construction qu’un sport individuel. Faire avec les autres.
Dominique Leray en bref
Née le 1er février 1952
150 sélections en Equipe de France entre 1970 et 1979 et 222 points marqués
- 1 Championnat du Monde (1971)
- 4 Championnats d’Europe (1972, 1974, 1976, 1978)
Parcours en club
1968-1969 : Tours
1969-1977 : Clermont UC
1977-1983 : Stade Français
Palmarès
Championne de France : 1970, 1971, 1972, 1973, 1974, 1975, 1976, 1977, 1980, 1983
Distinctions individuelles
Médaille d’or FFBB : 1997
Académie du basket : 2023