L'art de rebondir
Née en 1987 à Nouméa, Soana Lucet découvre le basket sur le tard : "J'avais 15 ans. Ca a commencé lors de ma première année de lycée, on allait jouer lors des intercours. Quand je suis rentrée, j'ai dit à ma mère que j'aimerais bien aller dans un club. Le club près de chez moi s'appelle l'AS 6ème donc j'ai commencé là-bas". Pour continuer à vivre son rêve, elle doit quitter son île mais très peu de basketteurs néo-calédoniens ont franchi ce cap et encore moins chez les filles. "Ça ne se faisait pas. On m'avait dit que je pouvais peut-être aller en N3 mais il n'y avait rien de concret. Je devais prendre mes valises, aller en France où je ne connaissais personne et partir à l'aventure", raconte l'ailière.
Finalement repérée par un coach américain lors d'un tournoi en Nouvelle-Zélande, Soana Lucet fait le grand saut pour les États-Unis où elle intègre le College of Southern Idaho en 2007. Elle y passe deux ans et demi, notamment pour y apprendre l'anglais, et découvre la vie universaire au pays de l'Oncle Sam : "J'arrivais de mon île où l'on joue sur du goudron. Quand il pleut on ne peut pas s'entraîner. J'avais déjà joué sur des terrains en parquet mais quand je vois la machine à shoots, le campus... C'est le rêve américain, grandiose" , se souvient Lucet. Elle rejoint ensuite l'Université d'Arizona où elle compile 12,9 points et 6,1 rebonds lors de ses deux saisons sous le mailot des Wildcats.
Non draftée en WNBA, elle lance sa carrière professionnelle en France, à Arras en 2011. "C'était le premier truc concret que j'ai eu donc j'ai dit ok". L'aventure chez les Demoiselles tourne court et après seulement huit matches (2,3 points), elle doit déjà faire ses valises. "Ça a été très dur, je ne savais pas comment ça se passait, le business. Je l'ai vécu comme un échec, il faut aussi savoir que j'étais blessée. En plus j'étais loin de tout, seule". Elle prend la direction de Braine (Belgique) où elle donne satisfaction et reste une saison supplémentaire. Elle retente sa chance en Ligue Féminine, à Angers, en 2013.
Les choses ne se passent pas comme prévu puisqu'elle ne joue que 13 matches et doit à nouveau s'éloigner du championnat français : "Je pense qu'on ne se convenait pas mutuellement. Comme le basket est une passion, je me suis toujours dit que si je n'étais pas heureuse, je ne resterais pas dans une telle situation". Elle se relance en Allemagne, à Fribourg puis Wasserburg, décroche des titres (deux championnats et deux coupes nationales) et joue l'Eurocoupe. Dans un championnat "qui est l'équivalent du haut de tableau de la LF2", Soana Lucet retrouve ses sensations. Angers, qui entre-temps a été relégué et a changé d'entraîneur, lui donne une nouvelle chance : "Je ne m'attendais pas à ce qu'on me rappelle même si les dirigeants m'ont toujours appréciée. Le projet sportif m'intéressait et j'avais deux amies, Isis Arrondo et Camille Aubert, qui y étaient. Je n'ai pas hésité même si c'était en Ligue 2".
Ses performances attirent l'oeil du voisin Roche Vendée qui a réussi son baptême en LFB (10e). Elle s'engage en faveur des Tigresses à la rentrée 2018 pour une troisième tentative en Ligue Féminine. Cette fois c'est la bonne, la Néo-Calédonienne trouve sa place dans l'effectif vendéen (10,8 points et 5,1 rebonds) et participe activement à la belle saison du RVBC (5e) qui se qualifie pour l'Eurocoupe. Lors de l'exercice 2019-2020, ses statistiques ont peu bougé (9,0 points et 5,4 rebonds), signe d'une stabilité enfin trouvée en France. "L'environnement n'était pas favorable pour moi à l'époque. Là je me retrouve bien dans ce que Manu (Body) et Jacky (Moreau) proposent, c'est pour ça que ça fonctionne" , analyse celle qui jouera sa troisième saison consécutive en Vendée en septembre prochain. De là à finir sa carrière sur les rives de l'Yon ? "Je me sens bien ici, je suis bien entourée, on a bon petit groupe. Pour l'avenir je ne sais pas, j'ai appris vite dans mes premières années que c'est du business. Si la saison prochaine je ne fais pas le taf, le RVBC ne sera pas favorable à ce que je resigne. C'est comme ça, c'est le business et maintenant j'en suis consciente, je sais comment ça se passe".
Installée dans une équipe de Ligue Féminine, Soana Lucet a atteint son rêve de devenir une basketteuse professionnelle, la première issue de Nouvelle-Calédonie. Quand elle retrouve son île, une fois par an l'été, elle fait forcément la fierté des jeunes filles qui ont désormais un modèle à suivre : "Je suis beaucoup sollicitée par mon club, l'AS 6ème. Il m'a toujours soutenue, c'est une famille. Je fais les entraînements des filles, elles me posent plein de questions, j'essaye de partager le peu de savoir que j'ai". Et beaucoup de persévérance.