Les JO de Londres, 10 ans déjà !
Pouvez-vous nous expliquer en quoi les Jeux Olympiques sont une compétition à part ?
C’est La compétition planétaire, tout le monde a déjà entendu parler des Jeux Olympiques, peu importe la discipline. C’est vrai que les Jeux Olympiques c’est la compétition majeure pour tous les sportifs. Nous dans le basket, nous avons la chance d’avoir des compétitions régulières avec le Championnat d’Europe ou la Coupe du Monde mais les Jeux restent un truc à part. L’ambiance qui y règne, le fait qu’il y ait la délégation française, la cérémonie d’ouverture et des petits éléments qui se rajoutent, il n’y a pas que l’aspect sportif. C’est ce qui fait que tous les sportifs rêvent de participer à cet évènement.
En 2012 à Londres vous participez, à ce qui resteront vos uniques Jeux Olympiques, êtes-vous nostalgique ?
C’est fou de se dire que c’était il y a déjà 10 ans. C’est fou car y’a encore des gens qui m’en parlent. Evidemment j’aimerai y retourner pour vivre des trucs, mais je n’en suis pas nostalgique. Ce que j’aime, dans ce qui s’est passé il y a 10 ans, c’est tout le process que l’on a mis en place avant. J’ai intégré l’Equipe de France en 2003, on a raté deux fois la qualification aux JO (2004 et 2008). Accéder aux Jeux Olympiques à mon époque c’était super dur. En tous cas on avait échoué à deux reprises. Donc déjà d’y aller c’était déjà énorme et en plus d’en ramener une médaille c’était magique. Ça me parait lointain parce qu’aujourd’hui y’a eu Rio puis y’a eu la dernière médaille à Tokyo. J’ai l’impression que maintenant ça y est : aller aux JO pour l’Equipe de France c’est devenu normal.
Pensez-vous que 2012 a changé la vision des gens sur le basket féminin ?
Honnêtement, je pense qu’il y a eu un avant et un après les Jeux de Londres. Certes il y avait la médaille, mais je pense aussi que l’équipe que l’on avait, avec les personnalités des joueuses, a marqué les esprits. Nous avons mis un petit peu le projecteur sur le basket féminin. Certes les résultats ont suivi, on le sait quand on est sportif et notamment pour les sports féminins, il faut qu’il y ait des médailles au bout car sinon la médiatisation s’estompe au fil du temps. Et là, on a marqué les esprits, on a mis notre sport au milieu du village. Avant ça, il y avait moins d’engouement et maintenant c’est devenu « classique » que l’Equipe de France féminine de Basket soit en haut des podiums. Ça vient aussi des résultats qui ont suivis, ce n’est pas que les Jeux de Londres. Je pense que si l’année suivante lors du Championnat d’Europe en France y’avait pas eu de résultat (NDLR médaille d’argent), le soufflé serait vite retombé.
Personnellement, est-ce que les Jeux de Londres ont été un lourd héritage à porter pour vous ?
Non pas du tout. Avant les Jeux, je venais d’avoir 30 ans, c’était un peu la déprime. Et puis on se qualifie pour les Jeux, c’est quand même énorme, c’est un rêve de gosse de se dire : "on va faire les Jeux". Donc tout ce qui m’est arrivé, je l’ai hyper bien vécu car ce n’était que du bonus. J’ai pris ce que j’avais à prendre. J’ai aussi laissé de côté ce qui me pesait donc sincèrement ce n’était que du plus. C’était plutôt agréable, les gens étaient hyper bienveillants. J’ai encore des gens qui me disent : « je me souviens de toi à Londres, tu m’as fait vibrer ». Les gens te parlent d’émotions que tu as pu leur faire vivre et c’est top. Moi je me suis éclaté sur le terrain à jouer au basket et en plus de ça j’ai réussi à transmettre des émotions à des gens qui n’avaient peut-être jamais vu de basket, qui n’y connaissaient rien Et ça, je trouve que c’est une vrai chance.
Ce nouveau statut et les nombreuses sollicitations qui vont avec ont-elles été difficiles à gérer ?
Franchement, non parce que je sais que ça fait partie du truc. On ne peut pas tout avoir. Si à un moment donné, on a envie que le basket soit sur le devant de la scène médiatique il faut prendre du temps pour y aller aussi. J’avais conscience avec ce qu’il s’était passé que j’allais être sollicitée. Ça ne m’a pas empêché de dire non à beaucoup de choses, je n’avais pas non plus dix sollicitations à la minute. Ça s’est plutôt bien géré et sincèrement ça ne m’a pas pesé.
Malgré tout vous êtes restée la même …
C’est important pour moi, parce que je suis toujours la même personne. Que je mette un panier aux Jeux Olympiques de Londres ou que j’en rate un en finale de la Coupe de France je suis la même personne. Je ne dépends pas de ma qualité de match ou d’une blessure. En fonction de ce qui se passe ce sont les autres qui me mettent sur un piédestal mais moi je suis toujours la même personne. Je trouve ça hyper important de rester à sa place. Il ne faut pas oublier que l’on vit dans un monde tout petit. On est qui pour se prendre pour quelqu’un d’autre ? Personne. J’ai la chance d’avoir des résultats dans ma passion, car ce n’est pas mon métier, mais je reste la même personne qui a envie d’aller s’entrainer, de travailler, de performer, de donner le meilleur d’elle-même. Et ce n’est pas parce que j’ai fait, il y a 10 ans, 3 tirs sur un pied qu’aujourd’hui ça y est tout m’est dû.
Pensez-vous que la médiatisation a accentué cet engouement ?
Quand on voit les résultats des équipes de Bourges et Valenciennes, qui à l’époque, gagnaient l’Euroligue. C’était une autre époque et y’avait pas les médias donc on en parlait très peu. Et sincèrement, elles s’entrainaient peut-être plus fort que nous. Quand je vois ce que l’on fait aujourd’hui, mon quotidien c’est le même qu’il y a 10 ans, c’est le même qu’il y a 20 ans, je m’entraine, je fais des matches. Pourquoi on parle plus de nous alors que les filles d’il y a 20 ans, qui s’entrainait autant, peut-être même plus que nous ? On n’en parlait pas alors qu’il y avait la même implication dans le travail. Aujourd’hui, c’est devenu « commun » et c’est tant mieux. Ça veut dire que les résultats sont là. Il faut que l’on continue à être normales avec une médaille autour du cou. C’est tout ce que je souhaite pour le basket français, féminin et masculin. Il faut que l’on reste sur la scène mondiale en haut de l’affiche car c’est aussi ça qui apportera plus de médiatisation et tout ce qui en découlera.
A Rio en 2016, vous vous blessez juste avant la compétition. Avez-vous des regrets ne pas avoir participé à cette compétition ?
J’avais émis le souhait de partir car ma place n’était plus là et que je n’étais pas venue en tant que spectatrice. Du coup c’était hyper dur d’être dans les tribunes et d’être inapte ce n’est pas comme ça que j’avais envisagé les Jeux de Rio. Maintenant est-ce que j’avais envie de revivre la même chose qu’en 2012 ? Clairement non, car je savais que cela n’allait jamais se reproduire, ce qu’on a vécu à Londres c’était unique, c’était un contexte particulier, c’était les premiers jeux depuis 2000. Y’avait beaucoup d’attente, beaucoup d’excitation et surtout beaucoup de nouveauté pour nous. En 2016, c’était différent, on savait où on allait mettre les pieds, c’était un tout autre contexte. Je ne peux pas regretter une blessure, on ne choisit pas de se blesser. J’aurai aimé faire deux olympiades même une troisième, tu as envie d’en avoir encore et encore. Ce n’est pas comme ça que j’appréhende les choses. Il s’est passé ce qui s’est passé, y’a des raisons pour lesquelles ça s’est passé certainement. Le fait est que je n’ai fait qu’une seule fois les Jeux Olympiques et c’était à Londres.
En 2021 à Tokyo, vous étiez cette fois dans le staff et consultante pour France TV, quel regard portez-vous sur ces Jeux ?
C’était complètement différent car nous étions en période COVID. Sincèrement les Jeux de Tokyo ont été différents, je pense même auprès des athlètes l’ambiance qui régnait. On était peut-être retombé dans une espèce de compétition un peu « plus classique » et il manquait peut-être la magie des Jeux. C’est vraiment mon point de vue d’extérieur. Je n’étais pas au village, j’étais à l’extérieur, pour moi c’était tout nouveau. C’était des Jeux Olympiques de l’autre côté, c’était complètement différent. Je ne l’ai pas vécu du tout de la même manière même si je fais partie de la Fédération et que j’étais la première supportrice de l’Equipe de France. Je n’étais pas dedans donc c’était différent mais le parcours était fou aussi. Cette médaille bronze, elle est belle. Encore une fois ce que je retiens c’est l’aventure et pas uniquement la fin avec la médaille de bronze. Il ne faut pas oublier que les filles venaient de faire un championnat d’Europe un mois avant. La période a été longue puis décrocher cette médaille de bronze face à l’équipe (NDLR : la Serbie) qui t’a privé d’un titre quelques semaines plus tôt, l’histoire est belle aussi. Ce ne sont pas uniquement les Jeux, c’est le process et toute l’histoire qui est belle en générale et c’est ce que l’on retiendra.
En 2024, les Jeux Olympiques auront lieu à Paris, quelles sont vos attentes ?
J’attends que ça soit une belle fête du sport que l’on prenne du plaisir à venir encourager, découvrir des sports qui sont peut-être un peu plus dans l’ombre. Pour le basket j’espère qu’on aura des résultats et les meilleures équipes possibles pour encore assoir notre domination au niveau mondial. Les Jeux en 2024 seront à Paris, j’espère qu’on les vivra pleinement.