Dans la douleur
"Chaque victoire de cette jeune équipe sera déjà un immense succès." Dirk Bauermann avait joué les modestes avant de s’envoler pour la Pologne. Difficile toutefois de contredire le technicien allemand à la lecture de son effectif. Mais l’ancien coach de Bamberg ne s’était pas privé de souligner la belle tenue de ses troupes en préparation. Et dès les premières minutes du match d’ouverture de l’Euro, les Bleus ont pu constater de visu le pourquoi de ces louanges.
Précise, efficace, exécutant avec une belle application ses systèmes, cette Mannschaft dépourvue de génie mais solidaire a joué les yeux dans les yeux avec la France toute la première mi-temps. Exploitant son énorme avantage de taille au rebond offensif (Benzig 2,09 m, Femerling et Jagla 2,13 m dans le cinq), sachant libérer ses shooteurs par de bons écrans, l’Allemagne s’accroche (9-8, 5e) puis vire en tête (14-17, 10e). En face Ronny Turiaf est hyperactif des deux côtés du terrain mais l’attaque sur demi-terrain manque terriblement de fluidité et de tranchant. Heiko Schaffartzik et Steffen Hamann harcèlent Tony Parker sur toute la longueur du terrain et même décalé en deuxième arrière, le meneur des Spurs ne parvient pas à trouver la distance.
La vieille garde teutonne Femerling-Greene veille au grain et entraîne derrière elle une relève prête au combat. A la mi-temps neuf joueurs différents ont contribué à la marque, exploitant parfaitement les quelques oublis défensifs tricolores. Un rebond offensif échappé, une mauvaise communication sur les changements de joueurs, des lancers-francs abandonnés en cours de route (11/19 à la pause), résultat des courses la France est toujours derrière et propose un visage sans doute bien éloigné de celui qu’espérait voir Vincent Collet (33-37, 20e). Le bilan est d’autant plus inquiétant que Nicolas Batum a grimacé suite à un choc sur une épaule déjà sous surveillance et que Ian Mahinmi a dû quitter le terrain après une chute spectaculaire.
Le spectacle n’est guère plus réjouissant au retour des vestiaires même si quelques possibilités de jeu rapide, les premiers points de Boris Diaw (0 pt jusqu’à la 25e) et l’abattage d’un Batum visiblement remis de son coup permettent aux Bleus de virer en tête à l’approche du money-time, une première depuis le 12-10 du premier quart-temps (50-48, 30e). Les Français ont cette fois cadenassé leur rebond, parviennent à provoquer des fautes mais souffrent toujours des mêmes maux sur la ligne de réparation. L’Allemagne ne panique pas et va trouver en Sven Schultze un scoreur providentiel pour la maintenir dans la course.
Cet intérieur aux tempes grisonnantes est un redoutable shooteur de loin et frappe à deux reprises à 6,25 m avant de se faire oublier ligne de fond. Huit points en un éclair et la petite colonie française dans les tribunes s’offre quelques sueurs froides. D'autant plus que Demond Greene participe à son tour au feu d'artifice (59-61, 37e). C'est le moment que choisit Tony Parker pour jouer les pompiers de service. Crédité d'un 2 sur 12 aux tirs à ce moment du match la star de San Antonio n'hésite pourtant pas : tir à trois-points, lay-up en pénétration, deux lancers-francs, un tir difficile en suspension puis deux nouveaux lancers. Au total 11 points en 150 secondes pour éviter la sortie de piste d'entrée. Les courageux allemands ont cependant à deux reprises des positions à trois-points pour créer la surprise mais leurs tirs ricochent sur le cercle. La France respire et s'impose 70-65. L'Euro a commencé.
Les réactions
Aymeric Jeanneau : "Nous ne sommes pas rentrés comme nous voulions dans ce match. Mais je trouve que les Allemands ont vraiment fait un gros match. Leur coach les applaudit d'ailleurs à la fin. Ils nous ont amenés exactement où ils voulaient. Nous avons bataillé et à la fin ils sont à neuf mètres du cercle. Heureusement qu'ils mettent deux tirs à trois-points de fou pour rester dans le match. La manière nous allons en rediscuter. On sait que l'on peut faire beaucoup mieux. Surtout dans le rythme. Mais c'est une bonne victoire. Ce soir Ronny et Nicolas ont été énormes. Tony passe à côté pendant 37 minutes mais il a été extrêmement positif. Il n'a pas forcé, n'est pas venu s'emplâtrer dans la défense. Et à la fin on sait qu'il ne va pas rater, qu'il ne va pas faire un match vierge. C'est arrivé une fois en Finlande parce qu'il n'était pas bien physiquement mais c'est fini désormais. Nous avons plein de bons joueurs donc si ceux que l'on annonce majeurs ne marquent pas trop, il ne faut pas s'inquiéter."
Tony Parker : "Les premiers matches sont toujours difficiles et les Allemands ont très bien joué. Ils ont mis des shoots pas possible. Greene commence par deux tirs à trois-points et c'était un signe. Schultze, que je ne connais pas trop, était aussi en feu. Et ensuite tu ne te retrouves pas dans la galère mais dans un match difficile typique d'un début d'Euro. Je suis content que l'on ait gagné. C'est un signe de caractère et de maturité. Je ne suis pas sûr qu'avant nous l'aurions gagné. Personnellement j'ai raté des tirs faciles, j'avais l'impression que je n'avais pas de jambes. J'étais court sur mes tirs. Mais je rentre rarement à fond dans un Euro. Il y a deux ans j'avais fini avec le même pourcentage après le premier match. Comme tout le monde j'essaye de trouver mes marques mais j'étais bien content de mettre les paniers importants à la fin."
Vincent Collet : "C'est une évidence qu'il va falloir progresser. Mais en attendant, nous avons gagné ce premier match et si nous battons la Lettonie, demain soir nous serons qualifiés. Ce sera une rencontre complètement différente. Là où les Allemands étaient très disciplinés et très grands, les Lettons sont virevoltants. Il faudra les forcer à jouer sur demi-terrain, ce que nous a imposé l'Allemagne. Ce soir j'ai beaucoup utilisé le cinq majeur (Parker, Batum, Diaw, Pietrus, Turiaf). Mais c'était déjà le cas en Belgique et trois jours plus tard, à Pau, le banc avait été très productif. Nous aurons besoin des autres joueurs dans cette compétition et je n'hésiterai pas à les lancer."
Dans la poule
Russie bat Lettonie 81-68
Bien qu'attendue dans cet Euro et soutenue par plusieurs milliers de supporteurs qui ont pris d'assaut la salle de Gdansk, la Lettonie a livré une bien pâle partition face à une Russie pourtant décimée mais parfaitement en place. Les remous qui ont secoué la sélection lettone ces dernières semaines pèsent-ils toujours dans la balance ? Toujours est-il que la star des Warriors, Andris Biedrins, est apparue peu concernée (et peu servie il est vrai) et que seule l'activité du monstrueux Kaspars Kambala a pu faire croire un instant à une éventuelle victoire.
Profitant des largesses défensives des troupes de Kestutis Kemzura, le meneur Sergey Bykov s'est promené dans le premier quart-temps (14 pts en 9') avant de laisser la vedette à l'ailier naturalisé Kelly McCarty dans la dernière ligne droite. Faibles sur le poste 4, maladroits de loin, les Lettons ont continuellement couru après le score mais ont bien failli réussir le hold-up parfait en revenant à -2 à quatre minutes de la fin. Une claquette dunk puis un tir primé de McCarty ont cependant mis fin à ce fol espoir. "C’était le chaos sur le terrain", a reconnu Kambala, éphémère boxeur lors de sa suspension pour dopage par la FIBA de 2007 à 2009. "Nous n’étions absolument pas en place."
Tout l’inverse des jeunes russes sans complexes. "Notre équipe a entendu tout l’été à quel point elle était mauvaise" souriait David Blatt en conférence de presse. "Les gens connaissent les noms sur les rosters mais pas la notion d’équipe. Moi je me fous royalement des matches de préparation. Je ne sais même pas combien nous en avions gagnés avant d’être champions d’Europe il y a deux ans. Très peu sans doute. Comme cette année… Nous n’avons pas fait un match à domicile cet été. Mes joueurs étaient fous. Ma fédération était folle. Mais je savais très bien que cette première rencontre serait comme un match à l’extérieur et que la Lettonie aurait un gros soutien. Ce soir je tire mon chapeau à mes joueurs."
Les résultats du jour
Poule A
Grèce bat Macédoine 86-54
Croatie bat Israël 86-79
Poule C
Slovénie bat Grande-Bretagne 72-59
Serbie bat Espagne 66-57
Poule D
Pologne bat Bulgarie 90-78
Turquie bat Lituanie 84-76