Le Mondial en poche
La France peut lui dire merci. Merci à Hidayet Türkoglu. Une star dans son pays. Finaliste NBA. Un nouveau contrat de 50 millions de dollars signé avec les Raptors. Mais un Euro passé à lancer des briques (32,0%) et une attitude infecte qui a totalement retourné le cours d’une rencontre bien mal engagée.
Katowice c’est sombre, c’est laid. Un enchevêtrement d’échangeurs d’autoroutes et des barres d’immeubles grises et sans âme. La vieillotte Spodek Arena, construction ouverte en 1971 et digne des plus belles réalisations soviétiques, ne va pas vous remonter le moral.
Les matches de classement disputés à l’heure du laitier ou presque dans des salles plus occupées à préparer les grands rendez-vous de l’après-midi qu’à jeter un coup d’œil sur le terrain demandent de grandes ressources mentales et une volonté de fer. Digérer la défaite, se trouver de nouveaux objectifs, la tâche semblait a priori plus compliquée pour la Turquie, battue en prolongation par la Grèce 16 heures plus tôt et déjà qualifiée pour son Mondial.
Boscia Tanjevic avait promis la guerre mais a laissé son meilleur joueur, Ersan Ilyasova, en civil sur le banc au coup d’envoi. Et pourtant la Turquie va totalement étouffer des Bleus à côté de la plaque pendant le plus clair de la première mi-temps.
Attaque de zone statique, absence de rythme, balles perdues, intensité défensive absente, le cauchemar de 2007 refait surface. 6-12, 12-26, 21-39, la joyeuse bande de supporteurs tricolores a le moral dans les chaussettes. Les intérieurs turcs se promènent, les shooteurs sont en verve, direction le match pour la 7e place pour la France.
Puis Türkoglu entre en scène. Mécontent d’un coup de sifflet il écarte violemment le bras d’un arbitre venu lui expliquer sa décision. Technique. Quatre lancers à suivre pour la France qui va rentrer aux vestiaires avec seulement 11 points de retard, un moindre mal compte tenu de la physionomie de la rencontre.
Et de retour des vestiaires c’est une vague bleue qui va emporter les hommes au croissant. Vincent Collet a choisi de jouer small ball avec Florent Pietrus et Boris Diaw à l’intérieur. Une tactique qui porte immédiatement ses fruits. La circulation de balle est rapide, les fixations de Diaw efficaces et Antoine Diot valide derrière la ligne primée d’excellents passages collectifs.
Plus important encore, dans le sillage d’un Florent Pietrus qui même dans la tourmente n’a jamais fait baisser son niveau d’intensité, la France retrouve son agressivité de l’autre côté du terrain. Les tirs sont désormais contestés, les changements défensifs tranchants provoquent des pertes de balle. Et quand les Bleus défendent, les Bleus courent. Et quand les Bleus courent, les Bleus gagnent.
Tony Parker se régale et un 19-9 remet définitivement les troupes de Vincent Collet dans la course. A l’approche du money-time tout reste à faire (61-59) mais la Turquie semble au bord de l’asphyxie. Une impression confirmée dès le début d’un quatrième quart-temps survolé par Parker. Le meneur des Spurs inscrit 10 points consécutifs puis Batum et Koffi se mêlent à la fête : 15-0 en cinq minutes. Le match est plié.
La France jouera donc pour la cinquième place dimanche. Une rencontre pour l’honneur puisque la qualification pour le Mondial 2010 et l’Euro 2011 sont déjà en poche. Mais une ultime séance de travail avant de penser au futur.
Les réactions
Antoine Diot : "Je suis rentré avec un esprit de mort de faim. Nous ne sommes pas rentrés dans le match comme il fallait et ils ont été très adroits. Mais nous savions qu’en montant la défense, cela pouvait passer. Nous avons montré du caractère et la Turquie était fatiguée. Tant mieux pour nous. La technique de Türkoglu nous remet dans le match sans rien faire. Cela donne quatre lancers-francs. C’est un déclic qui nous permet de nous dire que nous ne sommes pas si loin que ça. Ensuite Vincent décide de jouer plus petit pour courir en prenant des risques au rebond. Nous avons parfaitement attaqué la zone avec Boris en 4. Les objectifs sont désormais remplis même si nous aurions voulu accrocher une médaille. Mais c’est vraiment positif pour le basket français."
Nicolas Batum : "Nous sommes heureux d’avoir assuré l’essentiel. J’ai beaucoup appris pendant ces 15 jours à l’Euro. Je suis persuadé qu’il y a de grandes choses à faire avec cette équipe-là. Il faut bâtir. Nous serons prêts l’année prochaine."
Florent Pietrus : "Je sais que mon rôle est important dans cette équipe et j’ai essayé de donner l’exemple. Les deux qualifications nous consolent de notre défaite d’hier. Nous sommes sûrs de participer à de grandes compétitions dans les deux années à venir et c’est très satisfaisant. L’état d’esprit a été excellent et c’est une bonne base pour la suite. J’ai la sensation du devoir accompli après ces deux mois de travail."
Ronny Turiaf : "On a travaillé dur pour en arriver là. Cela met du baume au cœur après la grande tristesse du quart de finale. On se dit que nous n’avons pas tout gâché comme en 2007."
Vincent Collet : "Je suis très content de notre réaction après avoir été mené de 19 points. A l’exception de Florent Pietrus nous étions très mous et il fallu l’entrée des remplaçant et en particulier d’Antoine Diot pour réveiller tout le monde. Dans leur sillage on a retrouvé de l’énergie et de la dureté pour inverser la tendance. La qualification pour le Mondial va nous permettre de poursuivre le travail entrepris. Continuons dans cette direction, continuons à progresser."
Les demi-finales
Espagne bat Grèce 82-64
+5, +9, +13, +18. L’évolution du score après chaque quart-temps de la première demi-finale de l’EuroBasket. Plus patiemment, plus méthodiquement mais tout aussi efficacement que face à la France, l’Espagne a écarté la Grèce de la course à la médaille d’or. Pau Gasol a de nouveau régné dans la raquette et la défense de Sergio Scariolo a parfaitement contenu le duo Zisis-Spanoulis limité à 7 points et 4/13 aux tirs. Les joueurs du banc non utilisés contre les Bleus ont cette fois apporté une contribution primordiale, preuve de la profondeur d’effectif des champions du Monde. Une victoire accueillie sans grande effusion de joie tant l’Espagne est habitué au grandiose : "Nous ne sommes plus qu’à une marche de notre but", a déclaré Marc Gasol. "On ne pense pas à notre défaite d’il y a deux ans. On pense à demain et à quel point cela a été dur d’arriver là. C’est ma quatrième finale en quatre ans (Mondial, Euro, Jeux Olympiques), je sais ce qu’il faut faire pour gagner l’or."
Serbie bat Slovénie 96-92
C’est un match de légende qu’ont livré Slovènes et Serbes dans la deuxième demi-finale de la soirée. Un duel dans une ambiance enfin digne d’un Euro grâce à la présence de plusieurs milliers de supporteurs slovènes dans les tribunes de la Spodek Arena. Des supporteurs qui ont longtemps cru que leurs idoles allaient s’offrir une place en finale. En tête toute la rencontre, menant de 10 points à la mi-temps, les troupes de Jure Zdovc ont cependant payé leur manque de rotation dû aux blessures de Matjaz Smodis et Goran Dragic. Lentement mais sûrement la Serbie s’est rapprochée, a égalisé et n’a pas paniqué lorsque qu’un soudain coup de chaud de l’ancêtre Goran Jagodnik les a fait pointer à -6 à 90 secondes du buzzer. Milos Teodosic, MVP de l’Euro U20 en 2007, et véritable révélation de la compétition a alors sorti le grand jeu pour envoyer le match en prolongation en se fendant de 7 point consécutifs contre un lancer de Lakovic. Mais avec un Erazem Lorbek (25 pts, 10 rbds), plus que jamais en lice pour le titre de MVP, sorti pour cinq fautes tout comme son jeune frère et Brezec, la Slovénie a finalement craqué, Teodosic encore (30 pts) plantant les dernières banderilles.