L'histoire sans fin
Prendre le match par le bon bout. Une nécessité absolue dans un quart de finale couperet et d'autant plus face à une équipe russe connue pour ses sautes d'humeur et qu'il faut impérativement empêcher de tomber trop vite dans toute forme d'euphorie.
Les Français s'attaquent à la tâche avec application en cherchant à l'intérieur Fred Weis et avec un Tony Parker incisif (8-4, 4e). Mais en commettant trop d'erreurs sur des ballons a priori anodins, les Bleus prêtent le flanc au jeu rapide des coéquipiers d'Andrei Kirilenko, un domaine dans lequel ils excellent. Les contre-attaques fusent et Zakhar Pashutin confirme sa renaissance. A 33 ans l'ancien joueur de l'ASVEL, particulièrement craint par Claude Bergeaud pour sa capacité à "mettre des paniers décisifs", se promène un peu trop paisiblement dans la raquette pour s'offrir quelques paniers faciles. Les débats s'équilibrent malgré la sortie pour deux fautes après six minutes de Tony Parker. La bonne nouvelle vient de la distribution des responsabilités offensives et de l'entrée efficace de Ronny Turiaf qui offre un point de fixation dos au panier. Dommage simplement de laisser Viktor Khryapa faire mouche paisiblement à trois-points pour terminer le quart-temps (23-21).
Ce panier marque le début d'une période de disette pour la France qui continue de lâcher des balles par manque de concentration et qui souffre sur le pick n'roll et sur l'exploitation par la Russie de la bonne technique individuelle de Nikita Morgunov qui domine Turiaf en taille. Un 9-0 finit de replacer les hommes de David Blatt en tête (23-27, 13e). Un avantage vite effacé par l'adresse des Tricolores au-delà des 6,25 m. De bonnes fixations libèrent les shooteurs qui remplissent parfaitement leur office. Curieusement, deux équipes à la défense de fer ne parviennent pas à trouver de parades efficaces à la réussite des attaquants. Une nouvelle flèche de Tariq Kirksay donne de l'air à la France (40-34, 18e) mais là où les Russes se seraient hier effondrés, ils résistent et limitent largement la casse à la pause (42-39).
A chaque série française semble répondre une contre-attaque russe. C'est encore le cas au retour des vestiaires où lorsqu'un Boris Diaw agressif vers le cercle creuse un écart (46-39), Khryapa reprend son festival extérieur. L'ailier des Bulls est plus connu pour ses prouesses aériennes que pour la régularité de son shoot (8/25 sur le tournoi) mais contre la France, il prend feu. Souvent les pieds dans le ciment, un défenseur près de lui, l'ancien adversaire de Tony Parker dans les catégories de jeunes porte son équipe sur ses épaules. TP parvient cependant à provoquer sa quatrième faute sur un coup de coaching douteux de Blatt. Mais quelques lancers-francs abandonnés en cours de route font que l'on tremblera bien jusqu'au bout (56-53, 30e).
Tels deux boxeurs décidés à emmener le match au 12e round les deux formations s'échangent les coups, cherchant en vain le K.-O. Mais personne ne flanche et à deux minutes du buzzer, c'est la Russie qui a la main, profitant pleinement des balles perdues que lui offre son adversaire (64-69) et de la main chaude de JR Holden. Même la sortie défintive pour cinq fautes de Kirilenko ne grippe pas la machine. Les Bleus sont au bord de la rupture quand Boris Diaw marque en pénétration puis Parker réussit un trois-points énorme (69-69). On ne respire plus. Holden est sur la ligne à 24 secondes de la fin : 2/2. La Russie décide d'envoyer Diaw gagner ses points dans le même exercice. L'ailier des Suns rate les deux. Pashutin doit se charger de mettre les derniers clous dans le cerceuil. Il craque. Mais Parker, comme face à la Slovénie ne rentre qu'un lancer sur deux. Pashutin ne fait pas deux fois la même erreur. Un rêve est passé. La France s'en relèvera-t-elle ?
Les déclarations
Yakhouba Diawara : "Même si ça fait mal, je ne suis pas sûr que l'on perde le match aux lancers-francs. Ce match on aurait dû le prendre bien plus tôt et ne pas attendre la fin comme on le fait d'habitude. J'ai l'impression qu'on attend systématiquement d'être en danger. Et là on joue sur l'orgueil. Mais en quart de finale parfois ça ne passe pas. Et défensivement c'est évident que l'on a été moins durs que sur certains matches."
Fred Weis : "Je vais être politiquement correct en disant qu'ils ont été meilleurs que nous. Mais je n'en crois pas un mot. Je ne sais pas quoi dire. On est meilleurs qu'eux. On a fait beaucoup de petites erreurs qui coûtent à la fin. Il aurait fallu être bien plus appliqués. Je préfère oublier et passer à autre chose parce que si je commence à chercher des explications... Dire que l'on perd sur des conneries, ce n'est pas assez vulgaire par rapport à ce que je pense. C'est pesant surtout que je me dis que des Euros, je n'en ai plus beaucoup à jouer."
Florent Pietrus : "L'objectif premier c'était de se qualifier pour les Jeux. On voulait le faire le plus tôt possible mais malheureusement on n'a pas réussi sur ce championnat. Maintenant il reste deux matches pour se qualifier pour le TPO l'an prochain. On va mettre tout en oeuvre pour le faire."
Tony Parker : "C'est dur à encaisser parce qu'il y a peu d'opportunités aussi belles. A la fin du match on ne parvient pas à stopper JR Holden et on a manqué d'efficacité sur la zone. Sur le lancer que je rate exprès je voulais tenter un rebond long mais j'envoie la balle trop fort contre le plexi, sans toucher le cercle. On n'a pas le choix maintenant, il faut assurer le minimum avec le TPO."
Claude Bergeaud : "Tout au long de la partie, je disais à mes assistants, ce match on va le perdre aux lancers-francs. Quand on sait que le match est serré, ça se joue sur la ligne. Le deuxième point c'est l'indiscipline totale sur leur passage en zone. Je suis fier de la conviction, de la motivation et de l'engagement des joueurs. Notre défense est parfois étouffante pour l'adversaire. Ce que je regrette c'est qu'elle ne le soit pas tout le temps. Maintenant on va continuer à se battre puisque nous sommes préparés à ce qu'il y ait des matches perdus et que derrière il faut rebondir. Cela s'annonce très difficile, que ce soit contre la Lituanie ou la Croatie. Holden prend des shoots de folie qui vont dedans. Il nous fallait un match parfait et jusqu'à deux secondes de la fin, j'y crois. Je suis déçu parce que nous sommes à égalité avec cette équipe et que l'on perd sur le panier le plus facile à marquer au basket. Pour moi qui ai beaucoup d'humilité par rapport au niveau du basket européen, je vois que les Turcs ou les Italiens vont devoir repasser par des qualifications pour le Championnat d'Europe. Cela fait 15 ans et que l'on ne respecte pas le tir. Depuis 15 ans on joue au basket en dribblant et en tirant la langue. Et quand on tire on écarte les jambes. Vous voyez de qui je parle ? Tant qu'on aura la NBA dans nos pattes, on ne pourra pas exister. Mais je ne baisse pas les bras. C'est ma motivation de toujours de me dire qu'en France il y a 470.000 licenciés et que l'on a la possibilité de sortir plein de joueurs. Ce soir c'est évidemment un échec mais l'objectif finale reste d'être aux Jeux quelle que soit la façon."
Par Julien Guérineau, Service de Presse FFBB, sur place à Madrid (Espagne)