Coudray-Koechlin, le pari normand
Il existe une relation assez forte entre vous et votre capitaine. A quoi tient cette relation qui contribue à faire de Mondeville lune des meilleures formations de lélite ?
Hervé Coudray (HC) : Cest dabord une histoire. Jai toujours eu lexpérience dune relation de confiance avec la meneuse. Lorsque jai fait monter Rennes en ligue, cétait déjà le cas, javais besoin de ce relais sur le terrain. La dynamique que jessaie de mettre en place sur le terrain, je lai déjà expérimenté aux Etats-Unis, dans des camps de basket ou dans les universités. On continue à fonctionner comme ça car aussi bien Caro que moi sommes satisfaits de cette première saison. A nous désormais denrichir cette relation, non simplement pour prouver quelque chose lun à lautre mais pour progresser à travers nos diverses expériences.
Caroline Koechlin (CK) : Jai pas mal bougé. Après le championnat universitaire US, le retour à Montpellier ne sest pas passé comme je lespérais. Jai eu besoin de changer dair, et jai sollicité Hervé que je connaissais par lintermédiaire des camps de basket et aussi par le biais de Jacques Vernerey que jai apprécié à Aix. Lors du tournoi de la Fédération de Clermont-Ferrand, on a discuté de ma fin de contrat avec Montpellier par rapport à mon orientation de carrière. Il a fait le choix courageux de me faire confiance, de se séparer dune joueuse avec qui ça passait bien. A 23 ans, je nai pas hésité à partir, javais besoin de savoir si je pouvais être une meneuse en ligue, quitte à me planter
Je navais pas envie de rester une seconde meneuse, il fallait que je sache. Notre relation est forte de par le poste de jeu et la confiance quil ma accordée. Je pense lui avoir rendu cette confiance et inconsciemment, le lien est plus fort.
Quart de finaliste de la Coupe Fiba Europe, finaliste de la Coupe de France et la course au Top 4, la saison 2003-04 fut très réussie. Quel regard portez vous sur cet exercice passé ?
HC : Nous sommes plutôt dans une période où nous nous fixons des objectifs pour 2004-2005. La saison passée, nous avons fait des paris qui ont été gagnants mais il faut aussi accepter que lon puisse se tromper. Cet exercice sportif a été très positif mais ce fut aussi une aventure humaine très enrichissante. Aujourdhui, nous allons essayer de reproduire cela. Je suis quelquun de pari, de défi. Le pari que jai fait avec Caro et Aurélie Bonnan, je fais le même cette année avec dautres (Pochet, Badé). Nous verrons où cela va nous mener. Jespère pouvoir remplacer une équipe qui était la deuxième attaque du championnat par une formation plus défensive, plus athlétique.
CK : Jai le souvenir dune saison exceptionnelle. Personnellement et collectivement, elle fut au-delà de mes espérances. Mondeville, avec ses propres moyens, a bénéficié des paris dHervé qui a compris quon pouvait réussir de cette manière. Mais attention, un pari est aussi bien gagnant que perdant. Lannée dernière sest bien passée et cette saison, je ne suis pas sûr quon prenne beaucoup de risques car Amélie Pochet peut devenir une très bonne joueuse pour peu quon lui donne la confiance. Humainement, nous avons vécu quelque chose de fort en coupe dEurope et en championnat et cela sera difficile de rééditer cette performance. Nous sommes reconnus, leffet de surprise ne fonctionnera plus. Le plus dur sera de confirmer mais il ne faut pas se dire que la saison sera ratée si on ne fait pas aussi bien. Si nous ne sommes pas en finale européenne ou dans le groupe A, ce ne sera pas pour autant un échec. Il faut être humble et réaliste par rapport aux moyens dont on dispose.
Mondeville a toujours été attachée à la formation, à limage de son coach. Tu fais confiance aux jeunes françaises alors que les européennes ont investi la ligue. Pourquoi cette stratégie ?
HC : Au départ, cest un défi ; ensuite cest une obligation. Le recrutement de lannée dernière a été anticipé et a bien fonctionné. Cette intersaison, tout le monde sy est pris plus en avance donc nous nous sommes retrouvés à plusieurs sur les mêmes joueuses, notamment sur la lettonne Gunta Basko (Tarbes). Je nai pas su conclure les négociations et nous nous sommes repliés sur des seconds choix, moins sûrs. Nous avons fait le choix de la stabilité, en poursuivant les choix payants de la saison passée. Le recrutement de 2 étrangères (Daley et Puskar) plus Badé et Pochet va dans ce sens. Pourquoi aller chercher à létranger ce que nous pouvons avoir au même niveau de qualité en championnat de France ? Le pari de Krissy Badé peut sassimiler au pari de Caro ; jessaierai de la faire jouer sur ses qualités et non sur ses défauts.
CK : Avec la présence plus nombreuse des françaises dans léquipe, lintégration est rendue plus facile. Ça ne me pose aucun problème ! « Mama » Dantas a déjà passé quelques années en France et parle très correctement notre langue. LAméricaine nest vraiment pas une US type ! Comme Feaster, elle est humainement formidable, sympa et ouverte. La Serbe (Marina Puskar) est aussi très ouverte en dépit de sa première expérience à létranger. Nous naurons pas de problème dintégration et cest tout bonus. Je ne peux être que satisfaite de la place des françaises, dailleurs je ne serais peut-être pas là aujourdhui. A choisir entre Krissy Badé et une ailière venant de je ne sais où et dont les productions sont incertaines, je prends Krissy sans hésiter. HC : A un moment, on aurait même pu avoir une étrangère en moins ! Nous étions sur la piste dune intérieure française.
Quelles sont vos ambitions collectives et individuelles ?
HC : Lobjectif du club est dêtre le relais dans la formation de certaines joueuses. Caro est là aujourdhui, je ne lui souhaite que de passer un cap pour aller vers un gros club européen, cest notre vocation. Tant que nous ne sommes pas capables damener les joueuses à un plus haut niveau et à les garder chez nous, je pense à Anete (Jekabsone) et Tatiana (Shchegoleva), alors on devra se contenter de terminer le championnat en 4, 5 ou 6ème position. Cest un cap supplémentaire à franchir, amener plus de partenaires financiers notamment pour valoriser la formation. CK : Collectivement, nous avons les moyens daller en groupe B et dattraper une place en coupe dEurope. Ce sera déjà pas mal. En Coupe Fiba, la formule a changé et nest pas plus lisible, elle est même plus compliquée et moins équitable. Aucun pays ne pourra avoir plus dune équipe au Final Four de conférence. Je ne suis pas sûr que 16 pays puissent avoir le niveau des playoffs pan européens. Nous sommes tombés dans une poule très difficile, avec Naples la nouvelle équipe de Nicole Antibe et Ribera qui a recruté NGoyisa. Les Canaries, on connaît. Apparemment, 3 équipes peuvent se qualifier donc jespère quon passera mais après, il est difficile de juger. Personnellement jai envie de montrer plus, mais surtout de confirmer. La saison réussie ne suffit pas à dire que je suis arrivé, bien au contraire. Le plus dur arrive. Les gens me connaissent, le profil de léquipe a changé, je suis attendu et je dois madapter à cette situation. Jétais la meilleure passeuse lannée dernière, mais je ne me focalise pas sur cela. Il faut conserver la qualité de passe mais peut-être aussi apporter un peu plus de points compte tenu des départs de nos ailières scoreuses (Doan et Jekabsone). Jai été déçu de ne pas être retenue en équipe de France pour les matches qualificatifs de lEuro mais je my attendais un peu. Jai mis un pied dedans, jai envie dy retourner. Je vais mattacher à faire une bonne saison pour être retenue et y aller pour jouer lEuro.
Quelle(s) équipe(s) redoutez vous particulièrement cette saison ?
HC : Sur le papier Valenciennes cest certain. Mais, par exemple contre Bourges (match amical du 10 oct contre Bourges, perdue 65-63), sans Caro, nous arrivons à les tenir. Je me demande comment ils font à Valenciennes pour faire une équipe pareille, de quel budget il dispose !
CK : Depuis des années, Valenciennes est hors catégorie. Ce nest pas cette année que cela va changer je crois. On ne doit pas redouter qui que ce soit, ce nest pas notre discours. Nous ferons notre bout de chemin et on verra. Je ressortirais une équipe comme Villeneuve dAscq. Même largement remaniée, elle est en mesure de bouleverser la hiérarchie de la saison passée. Elle est tout à fait capable dintégrer le Top 4 avec Abdou NDiaye, un entraîneur capable de miracle. Je ne me fais pas de souci pour lui, son équipe sera prête.
Propos recueillis par Yann KAPPES
Photo : Fabrice Canet / FFBB