V.Demory : "L'équipe arrive à maturité"
Il reprend à la base ce qu'il avait fait avec Manon Cazobon, Pauline Ortuno, Barbara Fascérias et d'autres il y a quelques années, qui maintenant se distinguent avec le groupe pro, les espoirs ou les cadettes France. Il n'hésite pas non plus, le lundi soir, à convier certaines de ses Poussines à la première partie des entraînements des pros. Ces petits gestes ne sont pas près de s'oublier dans leurs esprits.
On parle de Challes ?
[NDLR: lors de la 23ème journée, Mourenx s'est imposé en Savoie, 72 à 68.]
(Sourire) Oui, nous pouvons en parler. La victoire n'était pas prévue car Challes tourne bien en ce moment, il n'est jamais facile de s'imposer en Savoie, nous savions à quoi nous attendre. La bonne surprise c'est que malgré la grosse défense de Challes et leur agressivité plus que limite, nous avons gardé notre jeu. Ce que j'ai aimé, c'est que mes joueuses ont été à la mine ensemble, c'est la première pierre de la victoire. Elles ont pris des coups, elles en ont rendu, mais elles ne sont jamais sorties du match. Par contre, quand Challes a baissé de pied, mes joueuses sont passées devant, et ça s'est fort, ça prouve que l'équipe arrive à maturité.
À quelques journées de la fin de la compétition, quel bilan sportif tires-tu ?
Je pense que depuis notre dernier mauvais match à Arras le 3 janvier, l'équipe s'est stabilisée, elle a trouvé ses repères et surtout les joueuses savent ce que j'attends d'elles maintenant. Elles sont bien, elles sont même très bien.
T'attendais-tu à une saison plus difficile que celle de l'an passé ?
Oui ! Tout simplement parce que nous avons perdu la meilleure joueuse du championnat [NDLR: Tamika Whitmore a été élue MVP étrangère de LFB en 2005-06] et la remplacer n'est jamais simple. Nous avions fait le pari de faire un collectif plus costaud, à l'aile nous avons trouvé ce qu'il fallait, dessous je reste un peu sur ma faim, Radunovic doit se montrer plus guerrière qu'en début de compétition, sur les matches de Limoges et Challes elle me l'a prouvé.
As-tu mis en place le basket que tu souhaitais ?
Maintenant, oui ! Mais j'ai mis du temps. Le basket que je leur demandais n'était pourtant pas compliqué, la preuve elles y arrivent maintenant. Seulement il y avait des problèmes internes, ça ne passait pas, je n'avais pas une équipe. Maintenant j'en ai une ! Tu sais, un coach, même s'il est très bon, mais s'il n'a pas d'équipe, il va à l'échec. Je suis tombé sur ce problème là en début de saison.
Y a-t-il eu des révélations parmi les joueuses du MBC ?
Oui, oui ! Actuellement, elles toutes en grosse progression.
Peux-tu me faire l'analyse de chacune ?
Oui, sans problème !
- Virginie Kévorkian a fait d'énormes progrès dans la stabilité de l'équipe, pour mettre en place l'équipe. C'était un peu un chien fou. À Challes elle a été très posée, très calme, elle a distillé les passes décisives.
- Isis Arrondo a beaucoup progressé dans l'impact sur l'équipe. Elle est capable de scorer, de faire jouer, surtout que ce n'est pas évident de jouer le samedi avec les pros et le dimanche avec les espoirs, j'en suis conscient. Si son temps de jeu est en hausse, c'est parce que j'ai senti qu'elle était bien, ce n'est pas pour lui faire plaisir.
- Sylvie Gruszczynski possède une polyvalence dans l'équipe qui lui permet de jouer en poste 1 ou 2. Elle est très précieuse au niveau des pénétrations et de la percussion, chose qui est un peu le point faible de nos deux autres ailières. Mais surtout c'est un élément très important en défense, je peux lui donner de grosses responsabilités sur les ailières d'en face.
- Ana Lelas a fait de terribles progrès en pénétrations, alors qu'en début de saison elle était incapable de pénétrer, tandis que maintenant elle est numéro un en France aux fautes provoquées. À Challes, elle nous prend le dernier rebond très important, elle a compris que si elle voulait passer un palier et que son jeu s'étende davantage, il fallait aussi défendre et prendre des rebonds.
- Béatrice Castets a enfin pris confiance en sa main, elle s'est aperçue cette année qu'elle était la plus belle main du championnat. Il ne faut plus qu'elle réfléchisse et qu'elle se pose des questions, cette année elle a fait un bond énorme. Quand nos adversaires passent en zone et que j'ai Béa et Ana en même temps sur le terrain, ils ne font pas zone longtemps. Tactiquement, c'est un élément très important.
- Justine Agbatan est tel qu'on l'a connaît. Travailleuse, sérieuse, professionnelle. De temps en temps elle manque des choses faciles, mais elle est toujours là sur la longueur de la saison, elle se bat, on ne l'entend jamais se plaindre. Il n'y a rien à dire, ça permet de travailler dans la continuité avec une fille comme elle.
- Polina Tzékova, je pense que cette année, elle éclate ! (rires) Elle est bien dans sa tête, elle est bien dans son corps, elle a perdu du poids. C'est une fille qui connaît le basket par cœur, qui avait besoin de progresser sur certains petits points, comme quoi à 39 ans, avec du sérieux, on peut encore progresser.
- Kuki Radunovic me laisse un peu sur ma faim, car je pense qu'avec un état d'esprit plus guerrier elle peut faire beaucoup mieux que ce qu'elle nous a fait voir. Maintenant, je reconnais qu'arriver dans un nouveau club ce n'est pas toujours facile et comprendre ce que veux l'entraîneur n'est pas toujours évident. J'attends beaucoup d'elle, sur les deux derniers matches j'ai été très content, à part aux lancers francs à Limoges. J'attends quand elle rentre sur le terrain, qu'elle m'apporte un plus.
Et des déceptions ?
Sur ces filles, non, car elles sont toutes en progression. La grosse déception, c'est Agathe Nnindjem. Je n'ai jamais entraîné une fille avec un physique comme le sien, mais une championne ce n'est pas que le physique, c'est aussi un mental et le sien ne convenait pas avec le mien.
En connaissant la saison, si tu avais la possibilité de revenir en octobre 2006, changerais-tu quelque chose ?
Oui ! (Puis après une longue réflexion) Potentiellement.
La coupe de France semble te passionner ?
Oui, ça me passionne car cette année, suivant le tirage, nous avons une petite chance d'aller à Bercy. J'aimerai bien y aller. Maintenant, je sais aussi que si nous tombons sur un des trois gros du championnat ce sera difficile. Avec l'état de forme de mon équipe dans cette fin de saison, tout peut arriver.
Qu'en pensent les joueuses ?
À mon avis comme moi, mais il faudrait leur demander (sourire).
Pour en revenir au match de samedi soir, le MBC fait-il un complexe de Tarbes ?
Non, je ne pense pas. Simplement Tarbes était plus fort que nous, plus expérimenté. Cela fait 12 ans qu'ils sont à ce niveau, avec des coupes d'Europe, l'Euroligue, etc... Ils ont des moyens et des connaissances que nous n'avons pas encore.
Sportivement, si nous avions joué à Mourenx, le MBC avait-il davantage de chance de l'emporter ?
Oui ! Sans problème.
Un petit mot sur les Poussines dont tu es aussi l'entraîneur?
C'est ma cure de jouvence. C'est un plaisir, c'est le basket à l'état pur, elles ne réfléchissent pas, elles font tout ce que je leur demande. Mais ce qui est bien, c'est qu'en les entraînant, je progresse encore. Je tente des choses avec elles que je ne tenterais pas avec les pros si je n'avais pas les petites. Parfois j'expérimente des choses aux entraînements avec les petites et ça marche, je le fais ensuite avec les pros, ça marche aussi, c'est incroyable. C'est mon laboratoire.
Tu sembles prendre plaisir avec cette équipe de jeunes ?
Ah oui ! J'ai un groupe de douze gamines assidues à nos deux entraînements hebdomadaires. Elles sont rares celles qui ne viennent pas les deux fois par semaine, j'en ai quelques-unes qui sortent un peu du lot, mais c'est normal. Celles là tirent les autres vers le haut, ces dernières s'accrochent, il y a bien toujours une différence, mais ça fait plaisir. De plus j'ai de très bonnes relations avec les parents. J'essaie de leur apporter le maximum, sans réfléchir, sans arrière pensée de savoir ce qui se passera demain, je leur donne tout ce que je sais.
As-tu encore le temps de t'occuper de tes loisirs ?
Oui, un peu quand même, heureusement (sourire).
Propos recueillis par Claude Jouanserre (MBC).
Photo : C. Jouanserre (MBC).