Un secret plus très bien gardé
Alors que les différents championnats sont à l’arrêt pour lutter contre le COVID 19, la FFBB vous propose de découvrir quelques-uns des meilleurs prospects français. On commence aujourd’hui avec Ismaël Kamagate, international U18 l’été dernier.
Ismaël Kamagate est revenu tard d’Evreux le vendredi 10 janvier. Très tard. Auteur de son match référence en Pro B face à l’ALM (15 points, 8 rebonds, 3 contres en 19 minutes), le jeune homme n’a pas eu le temps de savourer sa réussite. Quelques heures après être rentré de l’Eure, il était aligné avec le Pôle France sur le parquet de Rueil, en Nationale 1. 20 minutes également pour profiter d’une licence secondaire qui permet au géant parisien de parfaire sa formation. Après Vincent Poirier et Ivan Février, Ismaël Kamagate est le troisième joueur qui évolue à la fois dans l’élite française et avec le Pôle France. "C’est un outil qui permet aux clubs professionnels de développer leurs jeunes joueurs", explique Aimé Toupane, l’entraîneur du Pôle et de l’Equipe de France U20. "On connaît la difficulté de leur donner du temps de jeu. Dans ce cas, cela peut se faire de manière régulière dans un championnat compétitif."
La licence ASP dont dispose Kamagate a clairement été un argument de recrutement l’été dernier lorsque celui-ci a quitté Orléans pour le Paris Basketball. "Quand on prend un jeune joueur, tu ne peux pas lui mentir. J’ai toujours un plan", sourit Jean-Christophe Prat, un entraîneur qui avait lancé William Howard, Yakuba Ouattara ou Isaïa Cordinier avec Denain. "A son agent j’ai dit : il fera partie d’un groupe de 12, avec un 11e et 12e joueur très jeune. Ça ne veut pas dire qu’il ne jouera pas mais il sera le 5e intérieur. Une première année pour apprendre, la deuxième pour concrétiser. Je souhaitais qu’il joue et valide ses compétences en Nationale 1. On en a vite parlé au Pôle France." Prat, qui a recruté Juhann Begarin et Milan Barbitch, est un habitué de la salle Tony Parker et en profite pour évoquer le cas Kamagate avec Aimé Toupane.
L’intérieur de 19 ans, qui entame sa neuvième année de basket, a toutes les caractéristiques du joueur à qui profiterait une telle mise en place. Scotché au banc de touche en U15 France avec Levallois il n’avait été recruté que par un seul centre de formation, celui d’Orléans, après une journée de détection à Bondy. Aligné en région sa première année U17, ce n’est qu’après une poussée de croissance et la rencontre avec Pierre Tillay que sa carrière va changer. L’entraîneur des U18 est également préparateur physique et va prendre le prospect sous son aile. "Ismaël était incapable de fléchir. On a mis des routines en place et un travail d’haltérophilie. Son investissement lui a permis de progresser. On sentait qu’il y avait quelque chose de différent chez lui. Une implication, une envie. Il se couchait basket, se levait basket. Il était très concentré par rapport aux demandes. La quantité ne le gênait pas."
Et le stakhanoviste ne va pas ralentir. Appelé par Lamine Kébé pour un stage avec l’Equipe de France U17, il ne sera pas conservé dans le groupe qui prendra part à la Coupe du Monde 2018. "Il n’avait pas été au bout. Il devait régler des problèmes physiques au niveau de la mobilité, du gainage et du vécu de jeu. Il venait de loin", se rappelle l’entraîneur des Bleuets. De retour à Orléans, Kamagate met les bouchées doubles pour franchir un cap. Pour sa dernière année U18, il est aligné tous les week-ends en championnat de France U18 mais également avec l’équipe réserve en Nationale 3. Une double ration qui le voit dominer chez les jeunes (21,1 pts en 19 matches) et s’imposer comme titulaire chez les adultes. Pour la dernière journée de championnat, sur le parquet de l’ASPTT Limoges, il laisse une ardoise de 49 points pour clore ses années orléanaises. "C’était un joueur timide", estime Pierre Tillay. "En devenant un des meilleurs marqueurs du championnat U18 et titulaire en N3, il a pris confiance. Et il a pu exploiter ses qualités, notamment dans le tir extérieur. Il n’était pas conscient de sa capacité à évoluer dans le monde professionnel, cela a rendu les choses plus faciles pour lui fixer certains objectifs."
Une évolution qui lui vaut un appel de Lamine Kébé pour rejoindre les U18. Au sein d’une équipe où les prospects référencés sont légion le nouveau venu débarque avec la bave aux lèvres. "Essome Miyem il fallait que je le taffe. Maxime Carene il fallait que je le taffe", sourit Kamagate. "C’était pareil en U18, quand je jouais contre les clubs qui n’avaient pas voulu de moi dans leurs centres de formation et que je dominais…" Une envie de tous les instants qui séduit rapidement le staff. "Il a tout de suite montré de la volonté. Et si par moment il était frustré parce qu’il ne parvenait pas à réaliser ce qu’il voulait faire et que les autres avaient plus de maîtrise, c’était une frustration qui lui donnait envie de travailler encore plus pour les rattraper." Cette fois, Kamagate fait partie du roster final pour l’Euro en Grèce. Et si la compétition se conclut sur une décevante 5e place du fait d’une sortie de piste inattendue en quart de finale contre la Turquie, en relai sur les postes intérieurs (15 minutes de moyenne) ses 5 contres face à la Grande-Bretagne ou ses 14 points et 6 rebonds contre la Russie marquent les esprits des scouts. "C’est évident qu’il a tapé dans l’œil de beaucoup de monde", admet Lamine Kébé. "De par son profil physique, avec ses 2,10 m et sa mobilité. Tout de suite la potentialité saute aux yeux. Et il est déjà un énorme atout en défense avec une grosse capacité de dissuasion."
Des qualités qui lui ont permis, avec les aléas liés aux blessures, d’obtenir un temps de jeu conséquent pour ses débuts professionnels. Après 21 rencontres de Pro B, Kamagate passe 15 minutes par match sur les parquets et a ajouté 8 participations avec le Pôle France en Nationale 1. Un mode de fonctionnement fruit d’une collaboration entre Jean-Christophe Prat et Aimé Toupane. "Tout se fait en bonne intelligence", note Toupane. "Nous avons établi un planning sur les trois premiers mois de la saison. Ismaël n’a pas le même rôle au Pôle qu’à Paris. Il devient un joueur majeur et Jean-Christophe a vu une évolution." "Ça apporte de remettre dans un contexte légèrement moins fort et avec des jeunes de son âge ce qu’il travaille au quotidien", renchérit Prat. "Et cela apporte une forme de leadership qu’il doit développer." Autant d’évolution qui pourront profiter à l’Equipe de France U20 d’ici quelques semaines. Pour continuer à grandir.