De nombreux coaches ont marqué les 20 ans de Ligue Féminine. Le choix d’en mettre quelques un en avant est difficile. Voici une sélection de sept entraîneurs dont deux femmes.
En 1993, le CJM Bourges embaucha Vadim Kapranov, médaillé comme joueur aux Jeux de Mexico en 1968, ancien coach du CSKA Moscou, assistant avec l’équipe nationale féminine de l’URSS, champion de France avec Challes-les-Eaux et accessoirement ex-colonel de l’armée soviétique. Ce n’était pas un sentimental, mais il fit passer les Berruyères dans la troisième dimension, leur faisant prendre conscience de leur potentiel.
« Il comprenait que t’entraîner comme des bourrins ce n’est pas toujours ce qu’il y a de mieux et que de temps en temps il vaut mieux avoir un peu faim du ballon que d’être en surentraînement et de venir psychologiquement à reculons », témoigna sa capitaine, Yannick Souvré qui ajouta que Vadim Kapranov avait appris beaucoup de choses sur la psychologie féminine par le biais de sa femme, une ancienne championne de patinage artistique.
Vadim Kapranov a marqué le basket féminin français, ses joueuses mais si Bourges gagna l’Euroleague en 1997 et 98 beaucoup grâce à lui, il ne fit pas partie du déplacement à Larissa où les Tango furent couronnées une première fois. Quelques heures avant le départ en Grèce, il avait appris le décès de sa fille unique dans un accident de voiture.
Valérie Garnier et Corinne Benintendi au milieu des hommes
Club dominant en France et en Europe –il participe sans discontinuer à l’Euoleague depuis la saison 1995-96-, Bourges a bénéficié de deux autres figures marquantes du coaching.
Pierre Vincent était inconnu du circuit professionnel quand il est arrivé en 2003. Il avait néanmoins acquis une certaine célébrité en coachant les juniors champions d’Europe trois ans auparavant, la fameuse génération Tony Parker-Boris Diaw. C’est Alain Jardel, alors coach des « Filles en Or », qui avait fourni ses coordonnées à Pierre Fosset. Le président berruyer était descendu sur Toulouse pour le rencontrer, discuter, et l’engagement c’était fait au feeling.
« A part d’être un excellent coach, c’est un psychologue », confiait Emmeline Ndongue qui a passé du temps avec lui en club et en équipe nationale. « Il essaye de connaître le caractère de chacune afin de pouvoir réagir en fonction de ça. Il est dans la douceur, le calme, le respect d’autrui, l’explication. Si ça ne va pas, il ne va pas pousser une gueulante, pas besoin, il va juste parler un peu plus fort que d’habitude et ça va calmer tout le monde. Il sait faire la part des choses entre ce qui se passe à l’entraînement et à l’extérieur. En déplacement, on joue aux cartes avec lui. C’est juste quelqu’un d’humain. »
Le palmarès de Pierre Vincent à Bourges en 8 saisons est édifiant : 320 victoires/89 défaites (78,2%), 4 fois Champion de France, 5 Coupe de France, 3 Tournoi de la Fédération, 2 participations au Final Four de l’EuroLeague.
Ce n’est donc pas d’une succession facile dont hérita Valérie Garnier, à Bourges comme en équipe nationale. Valérie Garnier, qui est originaire des Mauges et qui eut comme copain d’enfance Eric Girard, l’actuel coach du Portel. Un entraîneur a beaucoup compté dans sa vie, c’est Alain Jardel, qui la guida à Mirande avant d’en faire son assistante avec les Bleues.
« C’est la rencontre qui fait peut-être que je suis là aujourd’hui. Lorsque je suis arrivée, je savais marquer des points mais je n’avais pas la connaissance technique, tactique, qu’Alain m’a donnée. J’ai eu beaucoup d’échanges avec lui. »
Il n’a échappé à personne que peu de femmes sont devenues coach principale en Ligue Féminine.
« Il y a deux raisons pour expliquer ce phénomène. Premièrement, nous sommes dans un pays où les présidents ont davantage l’habitude de prendre des coaches masculins. Deuxièmement, il y a moins de femmes qui ont envie de faire ce métier », disait-elle récemment sur le sujet.
L’autre figure féminine marquante de ces 20 ans, c’est Corinne Benintendi, qui fut la meneuse de Challes-les-Eaux puis son entraîneur de 1998 à 2009 tout en étant conseillère municipale de la ville.
« J’ai eu un parcours assez atypique », commenta t-elle alors qu’elle venait d’être élue meilleure Joueuse Française de la saison, en 1996 à 33 ans. « J’ai toujours travaillé en dehors du basket jusqu’au moment où je suis passée pro il y a deux ans. J’ai été prof de gym puis dans l’immobilier et dans la communication pour Challes avec Roger Caille (NDLR : alors le PDG de Jet Services) et Alain Gilles. »
Au même régime que les garçons
Pas mal de coaches de LFB sont issus du secteur professionnel masculin. C’est le cas de Laurent Buffard, Abdou Ndiaye et Hervé Coudray.
Comme Valérie Garnier, Laurent Buffard est natif des Mauges et a longtemps été associé à Cholet Basket comme assistant puis coach en chef. Sa venue à Valenciennes a formidablement boosté l’USVO qui a remporté deux fois l’Euroleague et mis à mal la suprématie berruyère. Quant à Abdou Ndiaye, il fut une sommité du basket africain dont il fut élu deux fois le meilleur joueur, en 1973 et 74. Il fut surnommé « Adidas » par ses copains d’enfance tout simplement parce qu’il fut le premier à porter des chaussures de la célèbre marque. Les deux coaches ont reproduit avec les filles les mêmes préceptes qu’avec les garçons.
« C’est vrai que j’avais l’impression au début qu’il n’y avait pas de rythme, que c’était lent. Je crois que la vitesse dans le sport moderne, c’est ça qui fait la différence », disait Laurent Buffard du temps de l’USVO. « Des joueuses comme Audrey Sauret, Allison Feaster, Sandra Le Dréan, ce sont des baraques et elles ne demandent qu’à jouer dans ce registre-là. Tu n’as peut-être pas la même dimension physique, ça joue plus au sol, c’est plus collectif, tu t’exprimes plus en tant qu’entraîneur, mais finalement on joue comme le basket masculin. »
Des propos que reprend aujourd’hui avec quelques nuances Hervé Coudray, qui est retourné en Pro B masculine, au Caen BC, après un long séjour à l’USO Mondeville.
« De temps en temps, elles obéissent de trop et elles manquent un peu de spontanéité dans ce qui pourrait être un surplus d’agressivité. Quand on a gagné leur confiance, c’est sûr que vous pouvez aller plus loin mais ça peut être aussi négatif dans l’idée qu’elles sont trop respectueuses de votre collectif alors qu’elles pourraient prendre des initiatives individuelles. »