Comment ça va Nicolas Batum ?
Comment s’est passé la reprise pour les Hornets ?
On a repris mardi 2 juin. Le gouverneur de Caroline du Nord avait tout bloqué jusqu’à présent, pour de bonnes raisons. Le plus important c’est la santé publique. Les choses sont très limitées, très sécurisées, avec pas mal de règles. Nous ne pouvons jouer que 45 minutes, avec quatre joueurs et un coach maximum présent sur le terrain. Mais ça permet de revoir les gars et retrouver quelques sensations.
Les conditions ont l’air extrêmement strict…
Effectivement. Il faut se changer chez soi, prendre sa douche chez soi. Pas le droit de s’arrêter sur le chemin de la salle. Ensuite il faut faire voiture-terrain, terrain-voiture sans croiser personne, escorté par un membre du staff médical. Le tout masqué.
A quoi ressemblent ces entraînements ?
Nous n’avons pas accès à la musculation. Donc ils ont amené le matériel nécessaire sur le terrain. Il y en a un pour le physique et un pour le shoot.
Avais-tu pu jouer à domicile pendant le confinement ?
J’ai un demi-terrain dans le jardin avec un panier. C’était pas mal. J’ai de la chance, j’ai au moins pu jouer avec mon fiston pendant deux mois.
Cela a dû être particulier ce changement de rythme…
C’était le grand point positif du confinement. De dormir quasiment trois mois de suite dans le même lit. Cela a été assez rare dans ma carrière. Ne pas bouger. Ne pas prendre l’avion. Etre à la maison avec ma femme et mon fils. Profiter de moments que nous n’avons pas l’habitude d’avoir entre la NBA et l’Equipe de France où le rythme est assez dingue. Se dire que demain tu ne pars pas pendant un mois. Sans calendrier. C’était un bon moment.
Tu avais adressé une lettre ouverte aux fans de Charlotte il y a quelques mois pour évoquer votre situation. Dans quel but ?
Ce n’était pas forcément une lettre ouverte. Un journaliste local m’a demandé si j’étais d’accord pour une interview. Que les choses se passent bien ou mal je n’ai jamais rien caché, toujours parlé ouvertement. Pendant 15 ans j’ai vécu beaucoup de bons moments mais depuis 18 mois je fais face à une situation pas évidente. Cela fait partie du métier. J’ai répondu à ses questions. Cela n’a pas tourné comme je le souhaitais, comme le club et les fans le souhaitaient. C’est de ma faute même s’il y a plusieurs facteurs. Ça arrive. Mais ça ne remettra pas en cause ces 15 ans. Je ne pensais pas que cet article entraînerait autant de réactions. Le lendemain le coach et le general manager m’ont dit qu’il respectait mon attitude. Ils m’ont dit qu’il était rare que les joueurs restent positifs dans ces circonstances. J’essaye d’être là quand même et de contribuer. La franchise a pris une autre direction. Je le comprends et je l’ai vécu dans l’autre sens quand j’étais jeune et que les vétérans étaient poussés vers la sortie. C’est la vie, ce n’est pas grave. Je gagne bien ma vie et je n’ai pas à me plaindre.
En quoi ton rôle de dirigeant de LDLC ASVEL a-t-il influencé ton analyse de la situation ?
C’est marrant. Je fais beaucoup de réunions et je vais enchaîner deux heures comme dirigeant puis deux heures comme joueur. Je change de casquette. Dans un rôle je dois prendre en compte un certain côté du business. Et dans un autre je ne peux pas accepter certaines choses. Je dois jongler. Un peu schizophrène.
A quoi ressemble le marché ?
Je reste parfois debout jusqu’à deux heures du matin pour regarder, fouiner, parler de l’équipe. On échange énormément avec tout le staff pour mettre sur pieds la meilleure équipe possible. Pour l’instant cela se passe plutôt bien.
Tu es de plus en plus actif sur les réseaux sociaux et sur le e-sport.
J’aime tellement le basket que j’essaye de rester à son contact de différentes façons. J’ai fait quelques interviews avec First Team et nous avions évoqué l’idée de faire une sorte de radio libre une fois par mois pour parler de tout et de rien. Pendant le confinement nous avions tous du temps libre. Parler basket en apportant ma vision différente et mon expérience c’est intéressant. Discuter, débattre, partager c’est cool. Le e-sport c’est tout frais mais c’est le début de nouveaux projets.
Cela permet de réunir des sportifs de tous les horizons…
L’idée est géniale. Rudy Gobert a commencé avec Evan Fournier, Frank Ntilikina et Vincent Poirier. Tony Parker a ouvert à d’autres sportifs et d’autres univers. C’est amusant de mettre de côté nos activités habituelles et que tout le monde puisse assister à ça.
Avec le report des Jeux Olympiques, comment envisages-tu la compétition en 2021 ?
C’est dommage pour cet été. Nous étions dans une bonne dynamique. Mais je ne m’inquiète pas. Vincent Collet et son staff ont été reconduits. C’est bien, on ne change pas une équipe qui gagne. L’aventure était belle à la Coupe du Monde même si nous n’avons pas réussi à réaliser ce qu’on souhaitait accomplir. Nous ne sommes que 4 à avoir vécu les Jeux en comptant Thomas Heurtel. Cela va être une première pour beaucoup. Et il n’y a rien au-dessus des Jeux en tant qu’athlète. L’expérience sera inoubliable et en plus on a la chance d’avoir Paris 2024 dans la poche. On fera tout pour décrocher la médaille qui nous manque depuis 20 ans.
Tu as 11 ans d’expérience en Equipe de France. S’il fallait comparer les campagnes, comment les classerais-tu ?
J’ai toujours dit que 2011 était la meilleure équipe. L’EuroBasket était particulier. On arrivait enfin où on devait être. Le top 4. La finale contre l’Espagne. C’était la campagne la plus aboutie. Nous sommes tous assez d’accord. On n’avait pas le droit de se tromper. Rater les Jeux 2012 aurait été compliqué. Cela a permis d’enchaîner. En 2013 nous sommes champions en faisant trois bons derniers matches. 2014 c’était la surprise. 2015 la désillusion et 2016 l’enchaînement. Cela m’a fait du bien de faire une coupure ensuite. Mon top 3 c’est 2011, 2019, 2013.
As-tu évoqué la victoire en Coupe du Monde sur les Etats-Unis avec tes coéquipiers des Hornets ?
En fait dans le bus, après avoir battu les Américains on s’est dit : on vient de créer une super team. Ils vont revenir surmotivés avec une armada assez folle. Le monde entier le sait. Après on a des arguments. C’est comme au début des années 2010 avec le mélange des générations. Nando et moi arrivons à terme (il rigole). Evan Fournier et Rudy Gobert sont les patrons, les tauliers. J’ai aimé ce qu’Evan a fait. Le patron des 10 prochaines années c’est lui. En 2006 nous étions 5e et heureux. En 2019 nous étions médaille de bronze et pas contents. Cela montre l’évolution du basket français. Et derrière il y a encore beaucoup d’atouts autour. Cela s’est vu avec les qualifs, la France reste compétitive même sans les joueurs Euroleague ou NBA.
Une question concernant le documentaire The Last Dance, tu as préféré ne pas trop te mouiller à propos de la comparaison Michael Jordan-LeBron James ?
Ce sont les deux premiers. C’est clair. Même si Kareem Abdul-Jabbar n’est pas loin. De 4 à 10 on peut parler ensuite. Mon argument c’est de dire qu’il est injuste de juger LeBron James alors qu’il n’a pas terminé sa carrière. Pour l’instant Jordan est numéro un et il le restera peut-être. Parce que quoi que LeBron fasse, ce sera sans doute moins « iconic » comme on dit aux Etats-Unis que ce que Jordan a pu faire. Mais on ne peut pas juger tant qu’il n’a pas fini.
Au sujet des Bulls on a souvent souligné vos similarités avec Scottie Pippen. Qu’as-tu pensé du traitement qui lui était réservé dans The Last Dance ?
C’est mon idole. Depuis que j’ai 7-8 ans. Il faut remettre dans le contexte de l’époque des Bulls. Ce que j’ai aimé c’est d’avoir compris comment Rodman s’est comporté. Comment Pippen s’est comporté. S’il a vraiment agi comme le documentaire l’a montré par rapport à ses négociations de contrat, sa blessure et bien ça ne change rien au fait qu’il reste mon idole. Ça ne remet pas en cause ses 17 ans de carrière, ses deux médailles olympiques ou son passage aux Blazers que j’ai adoré.
Interview complète :