"Depuis plusieurs années, la Ligue Féminine 2 est très formatrice. Ce n’est pas pour rien que les sélections tricolores jeunes, composées de nombreuses filles de LF2, performent tous les étés", affirme Grégory Halin, le coordinateur des Équipes de France jeunes au Pôle France. Et la campagne 2023 ne fait pas exception avec le titre européen des U20, la quatrième place des U19 à la Coupe du Monde et la médaille d’argent des U18 au championnat d’Europe. Parmi ces trois équipes, 12 joueuses évoluent en LF2. Mieux encore, la moitié de l’effectif U20 joue dans l’antichambre de l’élite. Tout ceci sans compter l’équipe du Pôle France, elle aussi pensionnaire en LF2. Une tendance qui s'explique en plusieurs points.
Une véritable ligue de développement
En LF2, les joueuses peuvent jouer, s'exprimer et surtout avoir des rôles à responsabilités, sûrement plus qu’en Ligue Féminine. "Les équipes de première division doivent avoir des résultats. Ça laisse moins de place pour les jeunes, notamment dans les équipes d’Euroligue qui sont calibrées avec 12 joueuses confirmées", développe Aurélie Lopez, la coach de Champagne Basket en LF2. "À l’exception de joueuses comme Iliana Rupert ou Marine Fauthoux qui ont pu se permettre d’aller jouer directement en première division, la LF2 reste le niveau parfait", ajoute Grégory Halin. "C’est un excellent compromis entre niveau de jeu et apprentissage, un formidable tremplin." Avec un règlement stipulant que tous les clubs doivent avoir, au minimum, quatre joueuses de moins de 23 ans, ces deux spécialistes de LF2 considèrent cette division comme la "ligue de développement" de l’élite.
Durant l’intersaison, le club du Champagne Basket a ainsi recruté deux joueuses ayant participées à la campagne estivale avec les Équipes de France. Manoé Cissé avec les U19 et Nina Seilly avec les U20. Cette dernière est venue renforcer le secteur intérieur marnais, après ses bonnes performances au championnat d’Europe cet été. Elle poursuit sa formation en LF2 après plusieurs années à la SIG. Pour Manoé Cissé, c’est un peu différent. "Depuis quelques années, on voit des joueuses qui tentent directement l’expérience en Ligue Féminine, mais qui, un an après, reviennent sur la Ligue 2. C’est le cas de Manoé", commente Aurélie Lopez. "Elle a signé à Villeneuve d’Ascq après le Pôle France en 2022, mais, elle n’a que très peu joué avec les pros. Ici, je lui ai offert la possibilité d’avoir les clés du camion avec le poste de meneuse titulaire. Elle va pouvoir s’exprimer et driver les gens. C’est quelque chose de primordial, surtout à ce poste. Le plus important pour ces filles, c’est de jouer, tout simplement." Dans le top 10 des meilleures marqueuses après trois journées, la jeune femme n’a pas tardé à saisir cette opportunité.
La connaissance de la Ligue Féminine 2
À l’exception de Lucile Jérome, Nina Seilly, Sarah-Yvanna Keboum-Biamou et Ramouna Vitta, les huit autres joueuses présentes en LF2 cette saison sont toutes passées par le Pôle France et son équipe de LF2. À leur sortie, beaucoup ont décidé de poursuivre dans des clubs à ce niveau grâce à leur connaissance de la division. "C’est forcément quelque chose qui peut jouer sur leurs décisions", admet Grégory Halin qui explique que le niveau d’exigence est tout de même bien différent. "Au Pôle France, on est dans un processus de formation pour développer des joueuses. A contrario, dans les clubs, on a cet objectif de résultat et d’efficacité. On rentre dans le vrai monde." L’aspect financier est également à prendre en compte. D’abord du côté des joueuses qui peuvent ainsi progresser en touchant un premier salaire, mais c’est aussi un facteur déterminant pour les clubs. "Les équipes de Ligue 2 n’ont pas les moyens ou les possibilités de recruter exclusivement des joueuses confirmées. Leur budget n’est pas extensible", analyse Grégory Halin. "En général, il y a deux ou trois joueuses cadres qui sont entourées de jeunes à potentiels. C’est un contexte très favorable pour les deux camps." Cette division permet aussi à certaines de poursuivre leur étude, étant donné que les clubs ne disputent qu’un match par semaine. C’est le cas de Manoé Cissé et Emilie Raynaud à Champagne Basket, respectivement en LEA et en deuxième année de kiné.
Si le passage en Ligue 2 n’est pas obligatoire, il reste très important dans le processus de progression des jeunes joueuses françaises. "Camille Droguet, Vaciana Gomis, Coline Franchelin … On a de plus en plus d’exemples qui montrent que les filles arrivent à faire cette transition entre les deux divisions", poursuit Aurélie Lopez. Certaines se sont installées durablement en Ligue Féminine, voire en Équipe de France, à l’image de Marième Badiane qui a commencé à Reims et qui compte aujourd'hui plus de 55 sélections avec les Bleues. "De toute façon, les joueuses qui ont le niveau, on les retrouvera en Ligue un jour ou l’autre, c’est une certitude", conclut Grégory Halin. "Si elles travaillent et qu’elles ont de la qualité, les clubs ne sont pas bêtes et vont les recruter en temps voulu."
Fatoumata Touré : « Ne pas brûler les étapes »
Quatrième du mondial avec l’Équipe de France U19 cet été, Fatoumata Touré (en photographie) se développe en LF2 depuis un peu plus d’un an. "À ma sortie du Pôle France en septembre 2022, j’ai fait le choix de rejoindre Monaco en deuxième division", explique la meneuse de 19 ans. "Pour moi, c’est le meilleur endroit pour se développer et progresser. On a des responsabilités. Avec le Pôle, je jouais déjà à ce niveau. Ça a surement influencé ma décision. Au moins, je ne plongeais pas dans l’inconnu." Même si Fatoumata Touré garde un bon souvenir de cette première saison professionnelle, elle reconnait un gouffre de niveau entre le Pôle et les clubs de LF2, ainsi qu'une adaptation compliquée. "L’intensité et l’exigence n’ont absolument rien à voir. C’était bien plus dur à Monaco", admet la joueuse qui tournait à 8.8 points de moyenne par match en Principauté. Le tout en 27 minutes de temps de jeu. "Dans un club extérieur, l’enjeu est beaucoup plus important. On joue vraiment pour gagner et essayer d’atteindre les objectifs fixés par le club."
À l’issue de l’exercice 2022-2023, Monaco est relégué en NF1 et Fatoumata Touré décide de poursuivre son apprentissage en LF2, à seulement 20 kilomètres à l’ouest du Rocher. Elle signe donc à Nice, champion de NF1, vainqueur du Trophée Coupe de France et récent promu en deuxième division. "Je suis encore dans ma jeunesse et j’ai encore énormément à apprendre. C’était un choix logique pour moi. Le plus important, c’est de ne pas brûler les étapes. Bien sûr, à long terme, j’espère rejoindre la Ligue Féminine. Mais je ne veux pas y aller trop tôt pour regretter ensuite. Je ferai le grand saut quand je me sentirai prête à 100%, pas avant."