Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Hugo et je suis le fondateur de Naval Sports Co. Je suis passionné de basketball et de mode, je suis originaire de La Rochelle et j’habite actuellement à Paris.
Qu’est-ce que Naval Sport Co.?
Une marque de sportswear inspirée de l’épopée sportive du Naval Sport Rochelais, un
club de basket-ball fondé en 1954 à La Rochelle par mon grand-père et ses amis.
Comment votre projet est-il né ?
A l’origine je souhaitais faire une réédition du survêtement historique de Naval, basée sur une photo d’époque, pour l’offrir à mon grand-père. Puis je me suis dit que l’histoire de mon grand-père avec Naval était tellement insolite qu’elle méritait d’être partagée au plus grand nombre. Passionné de mode, créer une marque inspirée de Naval est alors apparu comme une évidence pour raconter cette histoire et rendre hommage à mon grand-père.
Qui était Christian Boutin, l’inspirateur de votre projet ?
Christian Boutin est mon grand-père. Nombreux sont ceux qui considèrent qu’il est à ce jour celui qui a le plus marqué le basket rochelais. Son empreinte a duré plus de 40 ans, depuis la fin des années 40 jusqu’au début des années 90. De plus, sa retraite sportive et professionnelle est survenue l’année de ma naissance, et, jusqu’à mon adolescence, nous nous sommes vus quasiment chaque jour. C’est bien sûr lui qui m’a mis un ballon de basket dans les mains, installé un panneau dans le jardin, et accompagné à tous mes entraînements et matchs. Nous avions une relation très fusionnelle et j’ai grandi en écoutant ses récits de Naval. Il est à la fois mon modèle de réussite professionnelle, mon sportif préféré, mon héros…Ce projet est un moyen de lui rendre hommage.
Comment s’est produite sa rencontre avec le Basket ?
Il a commencé le basket à 21 ans, ce qui, même à l’époque (1948), était très tard. Né dans une famille pour qui le sport ne signifiait rien, il commença à travailler à 14 ansdans l’entreprise de son oncle, ce qui l’occupait du lundi matin au dimanche midi (!) sans un jour de vacances jusqu’à son départ pour le service militaire. Il habitait à proximité immédiate du terrain de Basket de Rupella (club historiqueRochelais), et deux de ses meilleurs amis jouaient pour le club. Ce n’est qu’au retour de l’armée, et par un incroyable concours de circonstances que cette rencontre eut lieu. Un dimanche d’automne, la réserve de Rupella devait disputer un match, et ils n’étaient que 4. C’est alors que l’un des joueurs de l’équipe première, présent au match, eut l’idée d’aller chercher son ami Christian Boutin pour éviter le forfait. Il essuya d’abord un refus bien compréhensible de ce dernier, mais, à force d’insistance, réussit à le convaincre. Christian Boutin joua donc son tout 1er match sans avoir jamais touché un ballon de basket !!! Malgré cette première expérience qui aurait pu l’en dégoûter à jamais, le virus du basket lui avait été inoculé, et pendant les années qui suivirent, il consacra chaque minute de son maigre temps libre à ce sport.
Dans quelles circonstances le club « Naval Sport » a-t-il été créé ?
Christian Boutin jouait donc dans l’équipe de Rupella depuis la saison 49-50, qui avait vu la création de la division « nationale 1 », élite de l’époque. Après 4 saisons dans l’élite, le club était descendu en « Excellence » et avait manqué d’un cheveu la remontée à la fin de la saison 53-54. Depuis plusieurs saisons, les joueurs se plaignaient des conditions de transport, les dirigeants ayant fait des choix quelque peu surprenants. Pour les destinations qui étaient compliquées à rejoindre par le train, ils avaient acquis tout d’abord un cabriolet Delage datant des années 30, déjà hors d’âge en 1950, et dont le système de chauffage avait été démonté pour pallier le risque d’incendie ! Imaginez la traversée du Massif Central en plein hiver pour aller rejoindre Villeurbanne ou Bellegarde ! Lorsque ce respectable véhicule rendit l’âme, le club eut la riche idée de dénicher un corbillard vaguement aménagé en véhicule de transport par l’installation à l’arrière de 2 bancs de bois se faisant face, ce qui avait l’avantage d’embarquer la totalité de l’équipe. Comble de bonheur, la conduite du véhicule était dévolue à… Christian Boutin qui était malheureusement (pour lui) le seul à posséder le permis « transport en commun ». A l’issue de la saison 53-54, les dirigeants avaient assuré aux joueurs que les déplacements seraient effectués dans des conditions normales dès l’entame de la saison suivante. Or, au 1er match extérieur, le corbillard était toujours en service. La semaine suivante, Christian Boutin, qui était devenu Capitaine de l’équipe à la retraite de l’illustre Gino Falorni, avait prévenu les dirigeants, après avis unanime de ses coéquipiers, que l’équipe refuserait de se déplacer si les engagements promis n’étaient pas tenus. C’est exactement ce qui se produisit à l’occasion du 2ème déplacement de la saison, à la nuance près que seuls 3 joueurs mirent leur menace à exécution. Les autres, plus jeunes, et pour certains fils de dirigeants, avaient été entretemps « retournés » par les instances du club. La sanction, implacable, ne se fit pas attendre. Le lundi qui suivit, lors de la réunion de bureau hebdomadaire du club, il fut voté à la quasi-unanimité l’exclusion des 3 joueurs en question. Seul le secrétaire du club avait voté contre, demandant que lesdits joueurs soient entendus avant la décision du bureau. Les « bannis », même pas convoqués, apprirent leur sort le lendemain en lisant la presse locale ! Dès lors, la saison entamée ne leur permettant pas de changer d’équipe, ils décidèrent de monter leur propre club. C’est au sein des chantiers navals Delmas que la nouvelle structure sportive fut implantée. C’était à l’époque le 1er employeur rochelais, et celui des 2 infortunés coéquipiers de Christian Boutin. D’ailleurs, au début de l’aventure, seuls les salariés du chantier pouvaient intégrer l’équipe, à l’exception de Christian Boutin, pour qui une dérogation avait été prévue. Les premiers pas du « Naval Sport Rochelais » furent quelque peu laborieux, ils ne purent disputer que la coupe Charente Maritime, brillamment remportée, en sus de matchs amicaux et de tournois de fin de saison. L’équipe, outre les 3 « ex-nationaux », avait été complétée par 2 réservistes rupelliens venus les rejoindre par solidarité, ainsi qu’un … marcheur et un lanceur de javelot, toussalariés des chantiers. La logistique fut aussi compliquée, la structure n’était que « semicorporative», et l’aide des chantiers Delmas se résumait à une maigre subvention de fonctionnement. Les joueurs durent ainsi prendre en charge tout l’administratif, et batailler pour obtenir des créneaux d’entraînement sur les divers terrains rochelais. Malgré tout, l’aventure commençait…
Qui sont les cofondateurs Georges Ferron et Ange Bertho ?
Comme vous l’aurez sans doute compris, Georges Ferron et Ange Bertho étaient les 2 autres « dissidents », et c’est ce trio qui décida de la naissance de Naval Sport. Ange Bertho habitait dans la même rue que Christian Boutin, à quelques pas du terrain, et avait joué à Rupella depuis la catégorie cadet. Il fut vice-champion de France junior, et ensuite un joueur majeur de l’équipe 1ère. Georges Ferron, plus jeune, avait aussi fait « ses classes » à Rupella et venait d’intégrer l’équipe senior lorsque la « scission » eut lieu. A l’image de la carrière Basket de CB, Naval Sport Co garde l’empreinte de cette ancrage Rochelais ; pouvez-vous nous évoquer cette carrière et ses liens étroits avec la terre rochelaise ? On peut dire que Christian Boutin fut l’homme d’un seul club, puisque Naval Sport fusionna avec Rupella 15 ans après la scission qui avait provoqué sa naissance. Il débuta donc le basket à 21 ans, et intégra l'équipe 1ère à la fin de sa 2ème année de basket, au cours de la saison 49-50, année de la création de la « Nationale ». Cela semble totalement irréaliste à notre époque, mais sa taille (1.83m) qui faisait de lui le plus grand de l’équipe, ainsi qu’un travail technique acharné lui permirent de réaliser son rêve. Il joua ainsi 5 saisons à Rupella, puis fut l’homme-orchestre de Naval Sport, où il cumulait les rôles de capitaine-entraîneur-manager tout en menant le jeu. Durant les 14 saisons de Naval, il gravit tous les échelons de la « départementale » à la « fédérale », échouant à plusieurs reprises d’un souffle pour la montée en Nationale 2 (pro B de l’époque). Il aura donc connu comme joueur toutes les divisions de la FFBB. Il arrêta de jouer en 1968, à 41 ans, au moment de la fusion avec Rupella, dont il fut l’entraîneur jusqu’en 1973. Il fut ensuite directeur sportif et président du club. Après un titre de champion de France de National 4 en 1984, Christian Boutin allait atteindre son graal, par la montée en Pro B en 1989. Il avait remporté le pari fou de faire retrouver l’élite à son club qui n’avait pas connu pareil niveau depuis plus de 35 ans. Après 2 belles saisons, il décidait de se retirer non sans s’être trouvé un successeur pour assurer la pérennité de son action. A ceux qui lui demandaient la raison de cette décision, il répondait invariablement: « place aux jeunes ! ». Mon grand-père était passionné d’histoire et très attaché à sa ville natale qui n’avait pas de secret pour lui.
Parlez-nous de l’évolution de ce club ?
Naval vécut une épopée sportive extraordinaire : après une saison sans championnat officiel, le club s’inscrit en championnat départemental. Après plusieurs montées successives Naval gravit les échelons jusqu’en Fédéral et retrouve son rival historique Rupella-Sport pour des derbys enflammés. L’apogée de Naval restera la victoire en Coupe Sud-ouest 1963 contre les JSA de Bordeaux et ce malgré deux divisions d’écart ! Les bordelais, faut-il le rappeler, jouaient les premiers rôles en excellence nationale (la proB actuelle), et avaient même réalisé une incursion d’une saison dans l’élite nationale. Ils avaient de plus remporté toutes les éditions de la coupe sud ouest depuis sa création, compétition éminemment sélective, puisqu’elle était ouverte à tous les clubs de la grande région toutes divisions confondues. Naval Sport l’emporte 51-44 et devient le premier club Rochelais à remporter cette coupe. Après des années de rivalité, le club fusionne avec Rupella-Sport pour unifier les forces du basket Rochelais au sein d’un seul et même club. Concernant Rupella, fondé en 1932, le club eut l’immense honneur de faire partie des clubs fondateurs de la Nationale en 1949. Il s’est maintenu pendant 4 saisons dans l’élite, avant de connaître une dégringolade accentuée par la scission de 1954 et la création de Naval. Puis, à la faveur du concours de plusieurs joueurs de la base américaine de La Rochelle, le club fut champion de France Honneur en 1961, et resta à ce niveau jusqu'après la fusion de 1968 puis atteint la Nationale 2 en 1972. La décennie 70 fut ensuite plus sombre, le club redescendit au niveau régional avant de repartir vers les sommets. Après 7 saisons en Pro B, la section professionnelle fut liquidée en 1996, et ce qui restait du club repartit en Nationale 4, puis remonta en Nationale 2 en 1998. Mais le pire est à craindre, Rupella est devenu il y a quelques mois la section basket du Stade Rochelais Rugby, et n’existe plus en tant que tel, après 86 ans d'existence…
Pouvez-vous évoquer pour nous les lieux emblématiques du basket à la Rochelle ?
Le plus fameux est évidemment le mythique terrain de la Lanterne, situé au pied de la tour éponyme. C’est là que Rupella écrivit sa légende en accueillant les plus grands clubs Français de 49 à 51. Le lieu, en plus d’être chargé d’histoire, se situait entre le vieux port et la plage, et était ouvert au vent du large, qui se chargeait de dévier les tirs les plus précis. Quand les conditions étaient défavorables, les scores dépassaient rarement la vingtaine de points. Puis vient bien sûr la salle dite « de l’Encan » car elle fut aménagée au sein de l’ancien marché aux poissons, à proximité immédiate du vieux port. Son architecture était quelque peu surréaliste, avec sa verrière et ses piliers du 19ème siècle, son dédale de couloirs, d’accès, de portes et d’escaliers dérobés qui en faisaient un véritable labyrinthe. On peut aussi évoquer le terrain de Saint Eloi, du nom d’un quartier rochelais, où jouaient les équipes de l’AC St Eloi dans les années 50. Malheureusement, ces lieux n’existent plus, le terrain de la Lanterne, désaffecté à la fin des années 60, est devenu un parking, la salle de l’Encan a été transformée en maison de la culture en 1978, et, dernier à survivre, le terrain de St Eloi, laissé à l’abandon depuis des lustres, connut une 2ème vie en devenant un playground dans les années 90 et 2000, mais a depuis fait place à un triste square vide et sans âme.
D’où vient le mot « Rupella » ?
Rupella est le nom de la cité de pêcheurs ayant donné naissance à la ville de La Rochelle
au 9ème siècle, et qui signifie « petite roche ».
Comment votre marque s’inspire-t-elle de cette épopée ?
Chaque produit est inspirée d’une archive, d’une victoire ou d’un anecdote de l’épopée de Naval. Par exemple la collection « 1963 » célèbre la victoire en Coupe Sud-Ouest grâce à un patch chenille. Il y a aussi la veste « La Lanterne » qui fait référence au terrain ou le tee-shirt « Programme officiel » dont le design s’inspire d’un programme officiel de 1963. Je pars toujours de l’histoire pour ensuite aller vers le produit qui l’exprime le mieux. Par exemple, la lettre B présente sur la veste La Lanterne s’inspire d’un survêtement de l’époque sur lequel chaque lettre était dotée de "boutons-pression" au dos, afin d'être interchangeable à volonté sur les vestes au fil des changements d'effectif, et ainsi pouvoir toujours composer le nom du sponsor historique de Naval Sport : le bar André. A cette époque le sponsoring n’était pas autorisé, ces lettres étaient un moyen de
contourner cette règle.
Comment voyez-vous le futur de Naval sport Co ?
Le but est de lancer le e-shop puis de développer de nouvelles collections notamment le lancement des accessoires (casquettes…) toujours inspirés des archives. J’aimerais aussi aller au-delà du vêtement pour créer des événements comme un tournoi, une exposition…Deux pop-up stores, un à Paris et un à La Rochelle se sont tenus en 2019.
A qui s’adresse votre marque ?
A tous les amoureux de basket-ball bien sûr mais aussi plus largement à toutes les personnes qui se reconnaissent dans l’histoire de Naval et qui sont soucieux d’acheter des produits de qualité faits en France ou aux Etats-Unis.
Quels produits proposez-vous ?
Des tee-shirts, sweaters et vestes faites en France. Nous proposons aussi des produits fait aux Etats-Unis comme des fanions.
La dimension patrimoniale va-t-elle rester au coeur du projet ? Comment cela
sera-t-il conciliable avec une activité commerciale ?
La dimension patrimoniale est l’objectif intrinsèque de la marque, elle restera donc au coeur du projet. Pour être tout à faire honnête elle est précède même la dimension commerciale de rentabilité qu’ont la plupart des marques. Naval est une activité que je développe en plus de mon travail.
Comment se manifeste aujourd’hui l’attachement des supporters de basket
rochelais à leur histoire ? [Quelle place par exemple l’évolution des différents noms
des clubs, les emblèmes (crabe, bouée de secours), les coupes et couleurs, les
matières des tenues, les variations esthétiques depuis les années 50 … ?]
Selon mon point de vue, l’attachement des supporters de basket rochelais à leur histoire est faible sauf chez certaines personnes qui ont vécu les grandes années de Naval et de Rupella. L’histoire du basket Rochelais est peu connue par les nouvelles générations et la marque est aussi là pour remédier à cela. Les emblèmes comme la bouée et le crabe ont disparu après la fusion Naval Rupella. Le club a ensuite gardé ses couleurs historiques bleues et blanches jusqu’en 2018, lorsque Rupella a été absorbé par le Stade Rochelais Rugby. Les changements ne se sont pas faits attendre : abandon des couleurs bleues et blanches, changement de nom, refonte de l’identité visuelle (certains logos ne portent plus le nom du club…).
Quelles sont les couleurs du magnifique survêtement de Naval Sport ?
Tout simplement noir à lettres blanches. Naval a porté au départ des maillots violets, avec bandes assorties sur les shorts, les chaussettes et les lacets. Ensuite le club est passé au bleu ciel avec la fameuse bouée, en hommage au célèbre restaurant rochelais le « bar andré », soutien historique du club qui se situait juste en face de l’entrée de la salle de l’encan.
Projetez-vous d’en réaliser une réplique ?
En effet c’est un produit qui sortira forcément un jour.