Hyères-Toulon, de l’ombre à la lumière
D’un point de vue collectif et personnel, vous venez de vivre une saison exceptionnelle qui a abouti le 16 avril dernier par un titre de Champion de France et une accession en Pro B. Quel est le sentiment actuellement de votre côté de voir votre club de cœur arriver à ce dénouement cette saison ?
Eh bien, c'est un vrai plaisir parce que la probabilité que cela se produise cette année était quand même peu importante. À la base, suite de la relégation sportive du HTV Basket en Nationale Masculine 2 mais d’avoir quand même pu continuer en Nationale Masculine 1 grâce au repêchage administratif, on avait construit, par rapport à la masse salariale qui était la nôtre, une équipe capable de se maintenir en NM1. Et nous avions énormément d’incertitudes par rapport à cette capacité à le faire alors se retrouver aujourd’hui Champion de France avec une montée à l’étage supérieur, c'est une grande satisfaction, une grande fierté et surtout très heureux pour le club.
Par rapport à ça, vous, vous avez connu Hyères-Toulon dans l'élite et en Pro B (1994-2005). Quand vous êtes revenu sur le banc du HTV à l'intersaison, quelles étaient vos motivations et vos objectifs ?
Si vous voulez, moi j'ai fait quand même abstraction de mon vécu avec le club parce qu’on n'était pas du tout dans la même configuration. J'ai passé 25 ans dans ce club-là (joueur de 1981 à 1990 avec l’OS Hyères et entraîneur de 1994 à 2005). La donne était bien différente avec un club donc qui avait été repêché administrativement, qui était à deux doigts de la relégation en NM2 et il fallait repartir à zéro, même s'il y a eu du travail de fait pendant ces années pour faire remonter le club à ce niveau-là. Donc, mon état d'esprit était de juste de se dire « Bon, essayons ». C'était le défi hein ? Moi, normalement je ne devais pas reprendre le coaching. C’était clair dans ma tête quand j'avais arrêté à Dijon (saison 2014-2015) pour prendre le poste du manager général. Et il n’a jamais été question que je reprenne. Les occasions sont présentées, elles ont toutes été refusées. Mais là, c'était mon club de cœur. J'étais redescendu dans le Sud. J'y ai des amis, entre autres, William Dumas (manager général du club) que j'ai entraîné pendant des années au HTV, et puis il a eu un projet avec Mathieu Perrymond, le nouveau président qui m'a donné envie de repartir dans l'aventure du coaching. Et surtout, l’envie d'essayer de stabiliser, au moins sportivement déjà le club en Nationale Masculine 1. Voilà, c'était ça mon ambition à titre personnel. Mais c'était l'ambition partagée par tout le club.
Même si vous avez dit que vous avez fait abstraction du passé, les choses ont-elles énormément changé depuis votre dernière saison avec le club varois ?
Evidemment quand vous passez d’un club de l’élite à la Nationale Masculine 1, les conditions de travail ne sont pas du tout les mêmes. En revanche tout le monde a très vite compris que dans certains domaines, il fallait très vite professionnaliser. Je vous donne juste un exemple, par rapport à l'approche médicale qui est quand même très importante vu le championnat de NM1 qui est très exigeant par la fréquence des matchs. Il y a très vite eu une volonté de la part du président et de ses dirigeants et avec William Dumas, de mettre en place une organisation qui est cohérente par rapport à la professionnalisation du club, donc ça faisait partie du projet, donc c'était très intéressant. Après il y avait, le niveau sportif de la Nationale Masculine 1 que moi je ne connaissais pas particulièrement même si j'ai ces dernières années j'avais assisté à quelques matchs de Hyères-Toulon. Mais il y avait beaucoup d'incertitudes sur comment aborder ce championnat et arriver à entraîner une génération que je n’ai jamais coaché. Et puis là, franchement, ça a été une très agréable surprise parce que j'ai eu un groupe extraordinaire avec une grande majorité de jeunes, très entraînable et très coachable qui ne m'ont posé aucun problème dans ce domaine-là. Cela étant, il fallait juste trouver le curseur entre l'exigence qui pouvait être la mienne et l'exigence que je pouvais leur demander par rapport à la NM1. Donc ça nous a mis un petit peu le temps pour trouver les bons repères, les bons leviers à activer.
Par rapport à cette exigence, vous parliez de la NM1. Vous qui avez connu les divisions du dessus, quel regard avez-vous sur le niveau de jeu globalement, par rapport aux joueurs, par rapport aux équipes, aux organisations ?
Alors franchement, au niveau sportif, j’ai vraiment le sentiment qu'on est vraiment dans l'antichambre de la Pro B. Il y a, je pense, pas mal de joueurs qui peuvent jouer à l'échelon supérieur. Cela étant, il y a une dimension athlétique sur la NM1 qui n’est pas du même niveau que celle qu'on peut avoir au-dessus. Mais, globalement, il y a un bon niveau de jeu. L'exigence du haut-niveau, elle y est. Voilà, c'est pour ça, j'ai le sentiment que c'est le meilleur moyen de se préparer à franchir l'échelon supérieur. Que ce soit pour les joueurs, les entraîneurs ou pour les clubs.
Au regard de tout ce qu'on a évoqué et avec toutes ces données, est-ce qu’au début de la saison, vous pensiez honnêtement que le scénario que vit actuellement le club était possible ? Est-ce que c'était dans un coin de votre tête l'idée de se dire « on peut le faire, on peut aller au bout » ?
Avec beaucoup de franchise, j'ai passé déjà toute la préparation à demander à mon assistant, Gaëtan Étienne et au manager général pendant la préparation, si on était capable de se maintenir. Franchement, je découvrais cette division et on n’avait pas encore joué une équipe. J'avais vraiment un point d'interrogation. Les deux m'ont rassuré dans ce sens-là. Ce n’est pas pour autant que j’en étais convaincu. L'idée de ce scénario ne m'a jamais traversé l'esprit, excepté lorsqu'on est allé gagner à Quimper lors de la 2ème phase (ndlr. 56-67). Parce que là, je me suis dit « pourquoi pas », on n’est pas loin quoi. Et on sentait bien que dans le match qu’on avait fait là-bas et dans l'envie globale que peut-être, ça pouvait être d'actualité. Voilà, mais je vous avoue que c'est un discours qui n’a jamais transpiré au sein de l'équipe et parce la volonté était de prendre match après match depuis le début de saison sans se préoccuper plus que ça du classement. Surtout, on sait très bien que peut-être dans l'approche mentale, cela aurait été néfaste de commencer à leur parler, de monter un peu trop rapidement, cela aurait pu être contre-productif par rapport à ce qu'on faisait depuis le début de l'année.
Quels ont été les ingrédients selon vous de cette réussite, autant de votre côté que du côté de votre groupe ?
Sincèrement, on s'est mis au travail très tôt. On a commencé le premier août. On a amené dès le premier entraînement, un degré d'exigence qu'ils n’avaient sûrement pas l'habitude de connaître. Ils ont adhéré. Et ça, c'était important mais ce n’était peut-être pas le plus évident. Puis on s'est construit autour de notre défense, ce n’est pas une nouveauté me concernant (rires), mais je reste persuadé que l’aspect défensif est quand même essentiel si on veut performer. Le travail a payé parce qu’on finit première défense du championnat toutes poules confondues (67,9 points encaissés par match). On n’avait pas le choix en plus parce qu’on n’avait pas beaucoup de talent à l'origine, ce n’étaient pas des joueurs confirmés dans la division. Bien au contraire. Il nous fallait avoir une assise défensive pour pouvoir exister. Cela étant, on a beaucoup, beaucoup travaillé tout au long de la saison. On a pris match après match. On s'est juste focalisé surtout sur ce qu'on pouvait produire avec les exigences qui étaient mises, avec aussi beaucoup d'abnégation ... Il y avait une dynamique de groupe qui était très intéressante parce que j'ai eu la chance de vivre cette aventure-là avec un groupe extraordinaire. Le principe de partage du ballon en attaque a été assimilé par tout le monde très rapidement, personne n’a essayé de tirer la couverture pour lui. Ce sont des choses qui me parlent depuis des années. L'interrogation était au début "Est-ce qu'on serait capable de le faire avec ce groupe-là ?" Bien finalement, on a plutôt bien réussi.
Est-ce qu'il y avait une vraie véritable volonté de donner les rênes à la jeunesse ? Entre autre, Maxim Eugene, Quentin Losser, qui revenait d'une saison compliquée à Lorient, ou encore Nikola Knevezic à Besançon.
Tout à fait, c’étaient des joueurs qui étaient soit en difficulté, soit revanchards. Enfin en tout cas, pas obligatoirement satisfaits de leur sort jusqu'à présent. Alors, Maxim (Eugene), c'est pour moi le joueur emblématique du HTV mais aussi par rapport à cette capacité à défendre très dur qui me va bien. Donc c'est pour ça que je lui ai donné très rapidement le rôle de capitaine de cette équipe, alors que c'est un jeune joueur (23 ans). Quentin (Losser) aussi, c'est quand même un enfant du pays qui a grandi dans le Var. Voilà, ça a été le cas à peu près pour tous les joueurs qui ont composé cette équipe cette année. Il y avait aussi, je pense à Théo Lefebvre qui sortait d'une saison difficile à LyonSO qui est aujourd'hui dans le 5 majeur de la division et qui a énormément progressé. L'idée c'était d'essayer de les faire grandir individuellement et collectivement. Voilà, c'était un pari qui a été gagnant.
Personnellement, vous avez été élu "Meilleur entraîneur NM1 2024". Comment vous recevez ça, surtout après 8 années d'absence sur le banc ?
C'est surtout la récompense d'une équipe et du club. À titre personnel, j'ai eu la chance d'avoir été élu meilleur entraîneur de Pro A quelques années en arrière (ndlr. saison 2013-2014). Bien évidemment, ce titre me touche beaucoup, ça veut dire que j'ai réussi avec ce groupe à faire quelque chose d'assez exceptionnel. Mais avant toute chose, je vois plus cette récompense comme une récompense collective pour l'équipe, pour mon staff et pour le club que pour moi-même.
Est-ce que les habitudes, après une telle pause, sont vite revenues ? Est-ce que le recul que vous avez pris durant ces années vous a-t-il servi ?
Et bien écoutez, c'était la question qui se posait, la capacité à entraîner, à coacher. Mais bon, oui c'est revenu assez vite hein finalement (rires). Les bonnes comme les mauvaises habitudes sont vite revenues. Même en arrêtant 7-8 ans et en prenant beaucoup de recul, du fait d'avoir été en poste en tant que manager général qui est un travail complètement différent, il n'empêche que quand vous êtes au bord du terrain, la première chose qui transpire : c'est la passion, l'envie de transmettre. Et puis surtout, une manière de coacher qui m'appartient et je ne voyais pas comment je pouvais changer, même avec les expériences supplémentaires que j'ai eu parce que c'est peut-être là où je suis peut-être le plus épanoui pour pouvoir entraîner correctement. Donc, je n'avais pas l'intention de changer ma manière de coacher ou ma manière d'être du fait que je reprenais en Nationale Masculine 1 huit ans après, non.
Désormais, le Hyères-Toulon Var Basket s'apprête à retrouver la Pro B. Comment vous en vous voyez l'avenir pour le HTV ?
Là, on est tous conscients au niveau du club que comme ce n'était pas prévu, il va falloir encore beaucoup se retrousser les manches. Le président est conscient qu’il va falloir améliorer le budget et heureusement, nous avons le soutien des collectivités et il n'y a jamais eu autant de partenaires privés au HTV cette année. Donc, ce sont des signes très positifs pour la suite. Le fait de voir un Palais des Sports rempli pour notre dernier match est aussi encourageant et ça a donné beaucoup de baume de cœur à tout le club. On sait tous que cela passera par l'augmentation du budget, donc l'augmentation de la masse salariale. Cette année, on figurait parmi les plus petites masses salariales de la division et qu'après, il faudra, une fois de plus, essayer de recruter malin. Mais avant ça, il y a une vraie volonté de notre part de garder l'ossature des joueurs qui ont vécu cette magnifique aventure en NM1 et de leur donner l'opportunité de continuer cette aventure en Pro B parce qu'ils le méritent. Et puis après, il faudra renforcer cette équipe-là pour pouvoir exister à l'échelon supérieur. Il y a une dimension athlétique, il y a un niveau de jeu, du talent qui est beaucoup plus élevé dans une poule de 20 équipes la saison prochaine. C'est encore 38 matchs qui nous attendent. Donc voilà, l'état d'esprit, c'est de continuer, avec le président et le manager général, à structurer le club pour qu'on puisse être dans des conditions qui peuvent nous permettre de pouvoir nous maintenir dans la seconde division professionnelle.
Pour finir, vous qui avez le recul de toutes ces années au HTV, selon vous, quelles sont les erreurs à ne pas reproduire pour offrir à Hyères-Toulon l'opportunité de redevenir une place forte du basketball français ?
D'abord, il faut faire preuve de patience et continuer à structurer le club. Cela me paraît le plus important tout en ayant la possibilité de construire une équipe capable de se maintenir et de faire étape par étape. On a gagné du temps parce que ce n'était pas dans notre projet de remonter cette année. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut brûler les étapes, au contraire. Il faut continuer à consolider le club. Il y a un vrai sujet, c'est le centre de formation parce que historiquement, le HTV a sorti beaucoup, beaucoup, beaucoup de joueurs qui sont allés vers le haut-niveau. Malheureusement, ces dernières années, tous leurs meilleurs éléments sont partis vers d'autres horizons et donc la formation a été mise en difficulté. Donc cela doit être aussi un vrai axe de travail dans les jours, les semaines à venir. L'idée, c'est de reformer encore des joueurs, mais capable de rester chez nous et de jouer au niveau professionnel avec le HTV.